Juillet 2019, dans un quartier de classe moyenne de Toronto, on découvre des ossements humains lors de la démolition d’une piscine en béton. Avec les restes humains, une médaille de saint Jean-Baptiste de La Salle et un bouton de jeans Levi’s, rien d’autre.
L’analyse du coroner révélera qu’il s’agissait d’un jeune homme ayant entre dix-sept et vingt ans, mort d’un traumatisme crânien causé par un objet contondant. L’enquête est confiée à deux inspecteurs torontois d’origine francophone, l’Algérien Miloud Benslimane et le Québécois Frank Duchesne, qui aiment bien à l’occasion se payer la tête de leurs collègues anglophones. Quoique à la préretraite, et de ce fait jouissant du privilège de choisir ses enquêtes, Frank accepte d’emblée de participer à celle-là, ayant à l’adolescence habité rue Cassandra, en face de la maison où se trouve la piscine. C’était la propriété d’une famille italienne, les Martella.
Ce qui nous ramène 50 ans plus tôt, au moment de l’excavation de la piscine en 1970. Les inspecteurs fouillent les archives, mais aucune disparition correspondant à la découverte n’a été signalée à l’époque. Qui est donc la victime ? Ce ne serait pas la première fois que des entrepreneurs camouflent leur crime ou acceptent de le faire pour d’autres moyennant rétribution, se disent les inspecteurs. Or, le père Martella, aujourd’hui décédé mais alors maître des lieux, était entrepreneur en construction ; et la compagnie d’installation de piscines, la Pine Valley Pools, est fermée depuis la fin des années 1980, apprendront-ils au cours de leur enquête. La recherche d’informations s’avère ardue. Les inspecteurs retracent les fils et la fille Martella ainsi que les adolescents qui les ont fréquentés de près ou de loin et qui, devenus adultes et bien établis, sont éparpillés dans le grand Toronto, sans aucun lien les uns avec les autres. L’un est même ministre du gouvernement de Mike Harris et un autre, enrôlé dans l’armée américaine, a été déclaré disparu au Vietnam. Le narrateur désigne les témoins potentiels tantôt par leur surnom d’ado, tantôt par leur nom de naissance, ce qui exige l’attention du lecteur. Dans la mire des inspecteurs figure aussi le séminaire des Christian Brothers, abandonné à la fin des années 1960. Planté au milieu d’un champ, à proximité de la propriété des Martella, il est devenu un refuge de squatteurs.
Plus les interrogatoires avancent, plus Frank constate son ignorance quant à ce qui se tramait dans le quartier de son adolescence. Consommation, vente et dettes de drogue, bagarres, guet-apens, adultère, vengeance, errance, le tout enrobé de mensonges ou d’accusations pour se dédouaner. En bon polar, Wesford laisse croire plus d’une fois que le crime est résolu, mais un rebondissement survient qui nous amène sur une autre piste.
Claude Guilmain, né à La Prairie, est surtout connu pour sa contribution, à plusieurs titres, au milieu théâtral franco-ontarien. Il a signé en outre cinq documentaires comme réalisateur, pour l’ONF. Wesford, avec son intrigue adroitement menée, révèle un réel talent de l’auteur pour la création de suspense.