Je me refuse à choisir entre l’auteure de l’immense saga qu’est Tyranaël et celle qui peaufine des nouvelles de petit gabarit, mais de grande portée. L’un et l’autre styles me rejoignent. Quelque chose relie d’ailleurs chez Élisabeth Vonarburg les deux types de littérature. Dans un cas comme dans l’autre, en effet, l’auteure veille à ce qu’une logique, une intelligence, j’allais écrire un humanisme maintienne et exerce une préséance par rapport aux fioritures ou aux décors. Chez elle, la science-fiction, si débridée qu’elle soit, demeure cohérente, non pas bêtement inventive mais régie par un système de valeurs, comme s’il s’agissait du respect dû à une autre espèce. En cas de panne, d’autres auteurs grefferont une antenne de plus sur la troisième tête de leurs créatures ; chez Élisabeth Vonarburg, membres, sentiments et pouvoirs ne s’ajouteront que s’ils s’harmonisent avec l’univers déjà créé.
Tout naturellement, la même rigueur se manifestera lorsqu’il s’agit de nouvelles, comme c’est le cas ici. En l’occurrence, plusieurs des textes offerts dans Vraies histoires fausses gravitent autour des fondements mêmes de la communication. L’enfant relie M et A, postule la suite et voilà une lectrice de plus. Les poligloti mettent leurs dons au service des interprètes et jettent des passerelles entre les langues, mais ils transforment radicalement l’interprète : celui-ci « n’est plus, en pratique, le même individu que celui qui est entré dans la chambre d’interprétation ». Avis, peut-être, aux polyglottes ! Quand Mayla, immergée dans sa première lecture, voudra absolument en connaître le dénouement, l’heure aura sonné de lui prêter son premier livre. Au total, pour ne retenir qu’une facette de ce fascinant regroupement, une magnifique immersion dans les expériences fondatrices de la culture. La langue, comme il se doit dans des textes compacts, est d’une belle nervosité.