Ce livre posthume de Victor Hugo (1802-1885) avait connu au moins une édition en 1910 ; cette nouvelle version augmentée comprend aussi d’autres textes rédigés durant cette même période (soit entre 1839 et 1843). On y trouve réunis les carnets de voyage de l’écrivain, qui note quotidiennement ses observations en visitant le sud-ouest de la France, le Pays basque et l’Espagne. Le style est éblouissant, romancé et ample, jamais banal ; digne des meilleurs textes de cet écrivain incomparable. Je cite un passage parmi d’autres : « Je suis en Espagne. J’y ai un pied du moins. Ceci est un pays de poètes et de contrebandiers. La nature est magnifique ; sauvage comme il la faut aux rêveurs, âpre comme il la faut aux voleurs ». Déjà, nous sommes en plein roman. La moindre anecdote vécue devient ici en quelques traits la scénette d’un drame authentique, et jamais joué sur les planches.
L’excellent travail d’édition de Francis Claudon mérite d’être souligné : afin de compléter les carnets de Victor Hugo, l’éditeur a choisi d’ajouter en annexe quelques poèmes rédigés durant les voyages de l’écrivain ; Hugo, au retour, les avait inclus dans le recueil Toute la lyre. Une présentation très utile situe le contexte et les éléments biographiques nécessaires pour mieux saisir le texte et, à l’occasion, les sous-entendus. Une carte indique même l’itinéraire du voyage et les arrêts effectués. On trouve en outre dans ce livre des extraits de la correspondance de Victor Hugo : des lettres qu’il adresse aux membres de sa famille et à quelques amis. Chose exceptionnelle, on peut aussi découvrir une lettre qu’il reçoit de sa fille Léopoldine. C’est d’ailleurs durant ce séjour que l’écrivain apprendra, en lisant un journal, le drame qui allait marquer sa vie : la mort accidentelle de sa fille bien-aimée.
Compte tenu du fait que les éditions précédentes étaient devenues introuvables, ce Voyage vers les Pyrénées devrait être considéré comme un nouveau livre de Victor Hugo, et constitue de ce fait un véritable événement. La bibliographie de l’essai de Delphine Gleizes, L’œuvre de Victor Hugo au cinéma (L’Harmattan et Presses de l’Université Laval, 2005), signalait plusieurs centaines d’adaptations de ses œuvres au cinéma ; j’estime que l’on pourrait certainement produire un très beau film à partir de ce superbe récit de voyage.