Grâce à Agnès Poirier, qui a vécu un temps à Lima au Pérou, son arrière-grand-père s’y étant installé et une branche de la famille y vivant toujours, des voix de femmes de l’immense Amérique hispanique viennent à notre rencontre dans toute leur diversité. La traductrice a en effet choisi de présenter un texte par pays, soit dix-neuf, et si, pour certaines cultures, elle avait l’embarras du choix, il lui a fallu du temps et du flair pour retracer de jeunes auteures moins connues dont le style et le propos retiennent l’attention. Comme on le sait, là encore, et plus sans doute que chez nous, les femmes se font mesurer leur espace et surtout l’espace social, culturel de la communauté qui est la leur. On ne s’étonnera pas d’ailleurs que leurs propos soient parfois revendicateurs ou même accusateurs, que certains soient d’une grande tristesse ou rageurs, alors que, moins nombreuses, quelques nouvelles exprimeront le détachement et la possession de soi.
Première constatation : tous ces textes témoignent du talent de chacune de se créer un monde bien à elle, de le décrire avec force et de façon souvent poétique. Quelques nouvelles m’ont particulièrement touchée : « … Et le progrès arriva » d’Aida Parraga (Salvador) ; amusée : « Madame Florence » de Dorelia Buralima (Costa Rica) et « Le meilleur » d’Angela Hernandez (République dominicaine). Certaines sont troublantes : « Moi, les femmes, je les imaginais belles » d’Andrea Maturana (Chili), « Elisa » de Milia Gayoso (Paraguay), « Il n’est jamais trop tard » d’Ana Maria Jaramillo (Colombie), « Soledad » de Roselia Bonifaz (Mexique) ; ou simplement dérangeantes : « La plage » de Mariella Sala (Pérou).
L’expression de ce vécu souvent tragique des femmes à travers l’écriture, une langue commune aux deux sexes, amène à s’interroger : et si les hommes prenaient le temps d’écouter les compagnes de leur vie dans le monde, de les voir tout simplement, ils agiraient peut-être différemment.