Frank, affublé d’un don (celui de pénétrer l’esprit des gens, d’y lire le passé ou l’avenir), vit à Montréal. C’est là qu’il fait la connaissance d’Erika dont il tombe amoureux et sur les traces de laquelle il partira, jusqu’à Prague. Au cœur de la capitale tchèque, autre protagoniste du roman, Frank sera confronté à une expérience humaine extrême, celle du dénuement total et de la mendicité, prélude peut-être à une renaissance convoitée. « Petit garçon, tu savais ce qu’on n’apprend que très tard à force d’observer, que l’humain ne pense jamais qu’à lui-même, que cela le pousse à dévorer pour prendre la place, que du début à la fin nos vies sont faites de complots. »
Bien sûr, il y a l’histoire, au fond d’une grande simplicité. Il y a aussi la réflexion, profonde, qui fait de Visions volées un très heureux récit mâtiné de roman et d’essai philosophique. Il y a surtout le style, distingué, délicat, fécond, subtil et pour tout dire infiniment irrésistible. C’est sans aucun doute là que se trouve la puissance de ce livre dont chaque phrase semble avoir été finement ciselée par une adepte de la muse Erato, Rachel Leclerc s’étant illustrée comme poète avant de se lancer dans l’aventure romanesque. L’unique bémol viendrait du choix du titre dont la banalité ne rend pas justice à l’exceptionnelle qualité littéraire du texte. Avec Rabatteurs d’étoiles, Noces de sable et Ruelle Océan, Rachel Leclerc nous avait habitués à des titres plus exquis. À cette toute petite réserve près, Visions volées est appelé à devenir livre de chevet, livre de garde.