La romancière, curieuse d’anecdotes entourant la vie d’artistes célèbres (Élise et Beethoven, 2014, et La bonne de Chagall, 2017), s’inspire cette fois de l’histoire de Vincent Van Gogh.
Elle circonscrit son récit aux dix-huit mois qu’il a vécu à Arles, la période la plus intense et la plus productive du peintre hollandais. La narration est confiée à l’Arlésienne Gabrielle, devenue nonagénaire. Elle voue à Monsieur Vincent une amitié et une admiration qui n’ont pas pâli avec le temps et veut se libérer d’un secret.
Nous sommes en 1888. Gabrielle Berlatier, jeune adolescente, est attaquée par un chien. Les soins que requiert son état l’amènent à Paris où Pasteur vient de mettre au point le vaccin contre la rage. Trois semaines dans la capitale en compagnie de sa mère, à payer pour le gîte et le couvert en plus des traitements, obligent son père à faire appel à l’usurier Carrel, l’aubergiste. En contrepartie, Gabrielle devra acquitter sa dette en accomplissant un cumul de tâches ingrates mal payées. Comme femme de ménage et serveuse aux tables, elle est amenée à côtoyer Monsieur Vincent qui sympathise avec l’adolescente alors que les Arlésiens se méfient de l’étranger à l’allure ombrageuse.
Elle se souvient du rêve que caressait Van Gogh de créer une colonie de peintres sous le ciel de Provence ; reconnaissant son indiscrétion, elle rapporte le contenu de lettres échangées avec son frère Théo dont il dépend financièrement ; elle revoit les portraits que le peintre a réalisés, dont le sien (La Mousmé) dont elle n’est pas peu fière. Témoin des sorties de Monsieur Vincent à travers champs, elle a admiré les dessins et tableaux qu’il en a tirés et les descriptions que lui-même en faisait dans ses lettres à Théo ou au peintre Paul Gauguin qu’il espérait attirer à Arles. Ce qui finit par advenir lorsque Vincent s’installa dans la Maison jaune. Après une courte période d’inspiration mutuelle, les tempéraments et les goûts artistiques des deux hommes se sont avérés d’une telle incompatibilité que les nerfs fragiles de Vincent ont craqué et que Gauguin s’en est allé. Nonobstant ces mois d’inquiétude, de solitude, de petits et de grands déboires, cette période de la vie de Vincent Van Gogh est considérée comme la plus créative avec ses plus de 300 dessins et tableaux, dont, parmi les plus connus, Les tournesols, Amandier en fleurs, La nuit étoilée, etc.
Le récit emprunte à l’histoire plusieurs noms de personnes et de lieux qu’a réellement fréquentés le peintre, ce qui lui donne un air d’authenticité. On y trouve aussi les conditions de vie des filles dans les bordels où Gabrielle a travaillé comme femme de ménage. Les expressions et les légendes provençales, de même que les références à la mentalité des Arlésiens de l’époque, contribuent aussi largement à créer un cadre réel.
Karen Olsen fait écho dans son roman à la chercheuse Bernadette Murphy qui, en 2016, a révélé l’identité véritable de la jeune fille à qui Vincent Van Gogh a remis son oreille coupée, le 23 décembre 1888.