Des éphèbes haïtiens gentils, inquiétants ou carrément malhonnêtes chassent et croisent de riches quinquagénaires blanches en mal de baise, elles-mêmes un rien retorses ou fort ingénues. « Pourquoi, mon Dieu, as-tu fait pousser sur ce tas de fumier une fleur aussi étincelante que Legba ? [ ] Laissez-moi vous dire qu’il n’y a rien dans le Nord pour les femmes de plus de quarante ans. »
Dany Laferrière récidive avec des thèmes qui lui collent au cœur, le soleil de Port-au-Prince, les impitoyables relations Nord-Sud et le sexe. L’écrivain montréalais dit et redit la joie de vivre et la misère séculaire qui s’entrecroisent dans son pays d’origine, là où le paradis voisine l’enfer. Sourire en coin, il aborde la prostitution masculine avec brutalité, avec la franchise qui le caractérise.
Vers le sud estné d’une œuvre précédente remaniée – La chair du maître (1997) – ; il compte une vingtaine de courts récits plus ou moins indépendants les uns des autres. Le délicat cisèlement descriptif et le langage fortement visuel de Laferrière en séduisent plus d’un. « La grosse femme se met à danser, sans musique. On entend seulement le bruit sourd de ses talons nus sur la terre. » Le livre a par ailleurs été porté à l’écran par Laurent Cantet avec Charlotte Rampling, Louise Portal et le sculptural Ménothy César.
Si Vers le sud plaît avec ses scènes d’ombre et de lumière, il désappointe parfois : éternel jeu amoureux sans surprise, banales conspirations entre hommes et femmes ou plutôt entre jeunes hommes et femmes vieillissantes. Dans ce livre inégal, à la limite du roman à deux sous, les lieux communs déçoivent le lecteur. « Un cri rauque. Une bouche tordue de désirs trop longtemps retenus. » Étonnant chez un auteur dont la qualité du vocabulaire peut être souvent bien jouissive.