C’est sans doute parce que Compostelle est une destination chargée d’histoire que le livre de France Boisvert n’est pas facile à cataloguer. Certes, la majeure partie de l’ouvrage est consacrée au récit en vers, mais le prologue et l’épilogue en prose constituent des ajouts très importants. On ne peut négliger non plus le fait qu’il est illustré avec de belles photographies en noir et blanc « prises au fil du chemin » comme un ouvrage sur le voyage.
Le titre pourrait laisser penser que l’auteure n’a pas réussi à atteindre la ville vers laquelle « des pèlerins avancent / depuis la nuit des temps ». Or, elle informe son lecteur dans le prologue qu’elle a bien parcouru à pied les 1500 kilomètres qui séparent Puy-en-Velay de Santiago de Compostela du 15 mars au 10 mai 2007. Il faut donc comprendre que Compostelle est la métaphore d’un itinéraire spirituel qui ne s’achève qu’à la mort. La raison « la plus honorable » qui incite l’auteure à entreprendrele Chemin est la promesse faite à sa tante Marthe, alias sœur Marie-Catherine, quand celle-ci était à l’article de la mort. Qu’on ne s’y trompe pas cependant : France Boisvert affirme à deux reprises : « je ne suis pas croyante ». En fait, à l’âge de 47 ans, déçue par sa vie d’enseignante, elle se demande si elle a « perdu la Voie ».
Le récit poétique, fait à la deuxième personne du singulier, épouse les hauts et les bas du Chemin et les aléas de la température. « Même quand il pleut / qu’il grêle / qu’il neige / toute la vie / avancer. » Les Pyrénées ne sont pas faciles à franchir : « longues montées puis longues descentes ». Le sol est boueux : elle « glisse / jambe luxée / claudi / quer / modè / re l’al / lure ». Souvent seule,« tu sens la peur ». Mais, parfois elle marche avec un compagnon qui fait partie de cette « faune fabuleuse »que l’on rencontre à l’étape. Arrivée dans un ancien site, elle jette sa pierre « parmi un millier d’autres » qui portent des messages adressés aux « dieux / puissances de pacotille / inventées pour assouvir / la quête de sens ». Elle tombe malade et alors que la fièvre altère ses perceptions, elle a l’impression d’accéder à d’autres dimensions : « tu es une Autre ».
Dans l’épilogue, France Boisvert raconte son arrivée à Saint-Jacques-de-Compostelle, ses retrouvailles avec son conjoint à Madrid où elle se fait voler son portefeuille par des Roms et son retour à sa vie d’enseignante à Montréal. Mais, son besoin de « densité intérieure » est tel qu’elle quitte son conjoint pour devenir « une sorte de moniale dans la cité ». Ce n’est qu’en 2013 qu’elle a « retrouvé le chemin de l’encre sur la plage blanche pour écrire l’essentiel ». Ce livre hors norme qui marque une étape dans la vie d’une écrivaine touche par son authenticité.
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