Un nouveau recueil de Patrice Desbiens, c’est toujours une sorte d’événement. On ne se lasse pas de cette curieuse poésie très prosaïque, où le poète circule comme en marge des choses, dans un univers où la plus grande épreuve reste celle du réel. Sans doute Dieu est-il ici « un tueur en série » et le cellulaire s’ouvre-t-il avec « un déclic de canif », mais rien n’est véritablement menaçant, car le poète a vite fait de désamorcer ces images par la banalité métaphorique des situations. Comme si on s’absentait du monde, à la manière du poète qui « ferme chaque œil comme / un petit cercueil » et fait semblant de dormir « quelque part dans / la vie après la mort ». Le réel est au mieux un décor occupé par les itinérants, au pire un monde qui s’amuse sans nous, comme les acteurs sur une scène de théâtre : « [C]ouché sur le dos / comme une tortue / je regarde les étoiles / qui s’excitent ». Et ce qui inspire l’horreur, ce n’est que Stephen Harper jouant du piano : « [O]n le voit qui joue / dans la grande fenêtre / du p’tit bar et / c’est plus épeurant / qu’un film de / stephen king ». Heureusement, il est tenu à distance.
Ce qui finalement est bien réel, et dominant, c’est l’émotion, la fragilité, la dérision, la détresse habituelles de Desbiens, tout ce qui a fait sa marque et qu’on retrouve au petit bonheur des images et des jeux de mots. On reconnaît sa signature entre mille, on retrouve des tics ou des manières d’œuvres antérieures, depuis le poète qui danse avec son ombre jusqu’à cette remarquable économie amoureuse qui caractérisait tout un recueil comme Grosse guitare rouge : « [Q]uelque chose me / glisse de l’esprit / tout // le long de / la jambe / et // le long / des rues / jusqu’à // toi ». On y retrouve aussi certaines facilités un peu déroutantes, comme il y en a parfois chez Desbiens. Mais des poèmes comme « Le vent dans le dos », « Petite rose des banlieues » ou « Elle et sa sorte » sont de très belles pièces dont le rythme et les images rappellent les grandes années sudburoises.
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