Combien de poètes se perdront dans les couloirs d’une vie où les comptes à payer justifient les travaux alimentaires ? Combien ne reviendront jamais à leur plume, premier amour et réelle raison d’être ? Ne faudrait-il pas alors absolument célébrer les quelques cas qui semblent avoir réussi le retour à la poésie ?
Après une longue carrière dans les tours à bureaux de Toronto à se vautrer dans les boues de la publicité et du marketing, après avoir été président et directeur général, Thomas Scott, maintenant sexagénaire, est revenu à la poésie, une passion qui a hanté sa jeunesse. Il publie en édition bilingue (anglais-français) User’s Guide to a Blank Wall / Mode d’emploi pour un mur videaux éditions du Gref, un éditeur franco-ontarien.
Éloignée de la métaphysique, d’un jargon hermétique trop souvent confondu avec l’esprit poétique, la poésie de Thomas Scott est belle, simple et fait du bien. Elle sait même faire sourire. Elle étonne, elle déstabilise. Contrairement à nombre de poètes, Scott n’intellectualise pas des sujets ou des émotions, des impressions ou des images qui n’en ont pas besoin. « J’ai envie de toi, mais ne te le dirai pas. / Ni maintenant ni jamais. / J’ai besoin de te le dire tout haut, que j’ai envie de toi, / pour savoir que c’est vrai, / mais si tu m’entendais / tu pourrais changer [ ]. J’ai trop envie de toi / pour te perdre en échos / dans un dédale de miroirs. / Cela vaut mieux / beaucoup mieux / que de risquer de te perdre. »
Écrits en vers libres, les textes de Thomas Scott se concluent souvent, un peu comme certaines nouvelles, par un revirement inattendu. Ne craignant ni l’humour ni l’absurde, le poète séduit grâce à l’imprévisibilité de ses chutes. Ses thèmes, son lexique et l’atmosphère – de naïveté ? – qui enveloppe l’ensemble du recueil sont une véritable brise rafraîchissante soufflant sur un genre littéraire trop souvent sclérosé par des ambitions largement plus poétiques que les textes qu’elles arrivent à créer.