Comment ne pas entendre dans le titre de ce second volume de lettres de Françoise Dolto l’un des sens baudelairiens des correspondances ? Je ne dirai évidemment pas que la psychanalyste prétend que le monde visible soit le miroir du spirituel, mais qu’on sent chez elle – sur les plans profane et sacré – une perception aiguë moins à l’autre face de la réalité à travers les sensations qu’au Réel, à l’impossible qui forme avec le symbolique et l’imaginaire la structure du sujet parlant. Ce n’est donc pas par hasard qu’entre bien d’autres choses, on apprend dans ce magnifique ouvrage l’importance de la spiritualité hindoue qui lui est transmise par sa mère et par Louis Renou – essentielle jusque dans l’élaboration de sa théorie de l’image inconsciente du corps. Cela ira jusqu’à intégrer un ashram avec son mari, le célèbre kinésithérapeute Boris Dolto.
Trois cents lettres de Dolto elle-même donc et environ quatre cents reçues de correspondants tels que des membres de sa famille ou de personnalités prestigieuses comme Alain Cuny, Robert Desoille, Jacques Lacan, Jean Reboul, Judith Dupont, Conrad Stein, Jack Lang ainsi que quelques lettres plus officielles dont, par exemple, certaines adressées aux membres de l’École freudienne de Paris autour de sa célèbre dissolution. Une mine de trésors. Outre toutes les questions complexes relatives à l’institution psychanalytique, on y verra s’élaborer la transmission de son travail avec les nourrissons, les enfants et les adolescents, laquelle fut l’une de ses passions, comme elle en fit preuve dans les diverses consultations (Trousseau, rue Cujas) qu’elle soutint tout au long de sa vie où elle invitait les jeunes psychanalystes à venir faire leurs premières armes et se frotter à ce qu’il en était de leur désir dans le transfert. Comme elle en fit preuve également en investissant les ondes radiophoniques de son époque. Et l’autre incontournable que fut pour elle la prévention à travers une clinique soutenue des troubles relationnels précoces, travail qui résulta dans l’ouverture, en 1979, de la Maison verte. Et et et au fond, comment ça fonctionne le désir inconscient ? Comment un individu en vient-il à se placer dans la position si étrange de non-savoir qui caractérise le psychanalyste ? Pour écouter quoi au fond ? C’est dire qu’intéressé ou non par la découverte de Freud, il faille lire ces lettres !