C’est bien court cent pages. Pour dire la mort, le persistant attachement au corps, « cet ami », les exactions physiques du cancer foudroyant, le suicide de la mère et l’ignoble réaction du voisinage, l’arrachement à l’amour d’une fille, le soutien des amies, la présence discrète de Rosa Luxembourg… C’est bien court, mais l’art de Nicole Houde a atteint une telle maturité que cette contrainte n’en est plus une et que l’essentiel a le temps de se dire.
Céline, qui reçoit en plein cœur, à 54 ans, la révélation de sa mort prochaine, sait qu’il lui faut, en quelques semaines à peine, comprendre Edmée, sa mère qu’elle a trouvée pendue alors qu’elle avait 14 ans. Pour cela, il faut retourner au village natal, s’isoler malgré la douleur et les pertes de conscience, refuser l’hospitalisation et les apaisements thérapeutiques, réinventer Edmée, affronter la mort. Le village l’accueillera avec froideur, car les quarante années qui ont filé depuis le drame n’ont pas érodé la méfiance à l’égard d’une famille qui a mérité et mérite toujours, à ses yeux, le châtiment de Dieu. Mais Céline fait front, cherche, trouve et défend son identité toujours chancelante. Elle aime tant la vie, les fleurs, l’amour et l’amitié qu’elle se résignera à mandater son amie Lise auprès du thaumaturge du Mont-Royal. Supplique humiliante, presque folklorique et si émouvante. Déjà, se clôt le petit livre tout plein de vie.
Il se clôt, mais pas tout à fait. En quelques pages, Lise, fidèle à son amie plus encore qu’à sa promesse, racontera son pèlerinage et en fera un hymne à l’amitié et à la vie. Suivront deux lettres de Nicole Houde à Charlotte, une disparue très chère. Peut-être la mort de Charlotte fut-elle à la source de cette magnifique folie.