« Ô madame ! pourquoi ce chagrin qui vous suit / Pourquoi pleurer encore » Lancinant, lourd de sens, un peu tantrique, ce vers de Victor Hugo revient sans cesse à la mémoire d’Huguette, grande blessée, grande survivante. Quatorze fois, on la jettera par terre, quatorze fois, elle se relèvera.
Quatorze fois, c’est beaucoup.
L’autrice, réalisatrice et comédienne Paule Baillargeon, née à Val-d’Or en 1945, défend avec force et sensibilité un personnage d’écorchée vive, apparemment soumise et silencieuse. Une fille sans fusil est un texte court, dense, assourdissant de colère, qui frappe en plein cœur, sans mettre de gants blancs. Huguette a connu cette souffrance-là, faite de violence et de harcèlement, infligée aux femmes par des hommes sans scrupules, sans pitié, sans humanité.
« Le lendemain, on me fait rencontrer l’aumônier. L’abbé Grenier, il est gentil. Ce serait bien si je priais un peu pour le gars. Ça doit pas être drôle pour lui, on ne sait pas ce qui se passe à l’intérieur. Se mettre à la place du violeur. J’avais pas pensé à ça. »
Pauvre gars en effet.
Un jour, Huguette décide de mettre des mots sur ses douleurs, de rompre le silence, de partager son passé. « Docteur, je ne savais pas que ce serait si dur, dire ces choses à voix haute. » Par petites touches, quelques phrases ou quelques mots à la fois, la narratrice confie son ou plutôt ses lourds secrets. « Le viol est arrivé après, quand il a fait semblant que ça ne s’était pas passé. »
Entre la confession d’aujourd’hui et les horreurs du passé, se glissent des appels à la littérature, comme si cette dernière pouvait alléger le fardeau. Défilent Jean Racine, Edgar Allan Poe, Alfred de Vigny et Léo Ferré. Ou alors le cinéma panserait-il mieux les plaies ? Se faufilent alors des images d’Ingrid Bergman, de Marcello Mastroianni, de Monica Vitti. Elle essaie, Huguette, on ne peut ni nier ni lui reprocher ses efforts.
« Toutes les Huguette ont une Jeanne d’Arc plantée dans le cœur. Surtout moi, docteur. »
Souhaitons à toutes les Huguette de ce monde l’apaisement que pourrait et devrait leur apporter leur si difficile confession.