Une des particularités d’un journal intime est qu’il permet une lecture toute personnelle de moments importants de l’Histoire, présentant un point de vue différent, voire complémentaire, de celui qui est apporté par les historiens. Dans ce cas-ci, il s’agit du journal d’une femme, début trentaine, qui habite Berlin durant les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Tandis que les premiers obus russes tombent sur la ville, elle se met à écrire afin de conserver son équilibre mental.
Les premiers jours se passent principalement dans le sous-sol d’un immeuble où elle se terre en compagnie d’une douzaine de personnes. Puis, les obus cessent et les soldats de l’Armée rouge envahissent les rues de son quartier à mesure que les combats se déplacent vers le centre de la ville. Pour survivre, elle doit faire preuve d’intelligence. Grâce à ses rudiments de russe, elle réussit à établir certains liens avec les soldats cantonnés dans son quartier, trouvant la protection auprès des officiers les plus forts qui la nourrissent en échange de son consentement silencieux. Puis, au bout de quelques jours, les soldats partent. Et dans cette ville en ruine, la vie tente tant bien que mal de reprendre son cours.
Publié pour la première fois en anglais en 1954, ce journal ne paraîtra que cinq ans plus tard dans sa langue d’origine par les soins d’une maison d’édition suisse. Le livre ressassant trop de souvenirs désagréables, il sera mal accueilli en Allemagne et sera rapidement retiré de la circulation. Cinquante ans plus tard, un éditeur se met à la recherche de son auteure pour lui demander la permission de publier à nouveau le journal. Après de nombreuses recherches infructueuses – l’éditeur d’origine étant mort -, il réussit à la retrouver. Mais elle refuse toute parution de son vivant. Elle mourut en 2001.
Ce qui surprend de ce journal est son écriture empreinte à la fois d’une rage de vivre et d’une totale indifférence, et ce, malgré les conditions de vie précaires et les viols quasi quotidiens que l’auteure a eu à subir. À travers les pages, elle dépeint aussi des habitants de son quartier qui, déboussolés, se demandent ce que l’avenir leur réserve tout en tentant de survivre le plus dignement possible. C’est une magnifique mais cruelle tranche de vie d’une femme qui a le malheur de se trouver du côté des perdants, un journal qui démontre surtout que si les hommes font la guerre, les femmes la vivent.