« L’ex-écolier bolcho, l’ex-oxfordien devenu anar qui a abandonné ses études, l’agitateur berlinois qui, après un passage à tabac bien mérité, a été chassé de la ville à l’aube, l’instituteur de primaire non diplômé renvoyé pour débauche qui a eu des démêlés avec un journal de province avant d’aller s’installer en tant qu’écrivain raté au Nouveau-Mexique pour finir par rentrer penaud en Angleterre se perdre dans les dédales de la bureaucratie culturelle, le has-been jusqu’au bout de ses ongles crasseux », c’est Ted Mundy, le dernier héros de John le Carré. Dans les années 1960, en quête d’appartenance, ce jeune déraciné sympathique qui épouse les causes comme d’autres entrent en religion fait la connaissance dans un grenier de Berlin du fils révolté d’un pasteur luthérien nazi, Sasha. Dans Une amitié absolue, le Carré raconte le destin de ces deux idéalistes qui se perdent de vue plus d’une fois puis se retrouvent.
En 2003, dans les jours qui suivent la prise de Bagdad par les Américains, Sasha réapparaît dans un château de Linderhof où Ted Mundy, son ami de toujours, débite son boniment à des touristes blasés. Recyclé en guide touristique après une carrière d’agent double qui lui est tombée dessus plutôt qu’il ne l’a choisie, Ted vit avec une jeune femme turque et son fils qui l’ouvre à la religion musulmane. Coulant des jours heureux avec sa nouvelle famille, Ted ne semble pas très enthousiaste à la vue de Sasha, « rêveur crédule et passionné » qui, tel un fantôme surgissant du passé, s’est faufilé entre les touristes. Car Sasha, c’est l’éternel combattant
Au ras de la réalité avec ce livre qui a déclenché une vive polémique en Angleterre, le Carré a puisé dans son expérience d’agent double, dans les pages de l’Histoire et dans les événements récents en Irak. Pour cet anti-Bush et ex-partisan de Tony Blair, on peut croire qu’Une amitié absolue ait servi d’exutoire.