C’est un truisme souvent répété, partout, mais qui a assurément beaucoup plus de résonnance, d’importance, de pertinence, en Afrique, et encore plus pour une femme : l’éducation est la route vers le succès personnel et, pour un pays, le chemin royal vers son développement.
C’est cette belle vérité qu’exploite avec bonheur l’auteure, Française d’origine rwandaise.
Cette lauréate du prix Renaudot en 2012 pour son roman Notre-Dame du Nil rend hommage à ses parents, et notamment à son père, illettré, qui l’a encouragée à s’instruire et à obtenir ce précieux bout de papier, un diplôme (idipolomi, en langue locale), dans son cas en service social, qui lui permettra d’échapper à un destin de cueilleuse de cacahuètes : « […] c’est ce qui te sauvera de la mort qui nous est promise, garde-le toujours sur toi comme le talisman, ton passeport pour la vie », clame son père. L’éducation primaire se passe en partie avec des religieuses québécoises, dont l’auteure apprécie les valeurs libérales par rapport à l’école rwandaise, bien plus rigide.
La politique en Afrique centrale étant ce qu’elle est, c’est-à-dire complexe et marquée par des frontières poreuses héritées d’un colonialisme brutal et de tensions larvées entre certaines ethnies, Scholastique Mukasonga poursuit son éducation en exil, dans le pays voisin, le Burundi. Elle a espoir d’y obtenir son diplôme : comme Tutsi, elle est consciente de l’occasion qui lui est offerte d’accéder dans ce pays à des études post-secondaires, ce qui lui aurait été plus difficile dans son pays, car des caciques hutus avaient déjà commencé à l’époque à faire la vie dure à son ethnie.
D’un événement à l’autre, et enfin diplômée, la battante obtient de beaux mandats internationaux, notamment pour UNICEF, et à la Banque mondiale comme experte locale. Toujours au Burundi, elle rencontre un expatrié français, qu’elle épouse, et tous deux partent ensemble pour une assignation à Djibouti au milieu des années 1980.
Établie avec sa famille en France dans les années 1990, devenue mère de famille, l’assistante sociale doit de nouveau jouer du coude pour faire reconnaître son diplôme et son expertise. Elle refait ses classes, avec des étudiants étant parfois 20 ans plus jeunes qu’elle, mais parvient à se faire une place. C’est de France donc qu’elle vivra l’horrible génocide contre les Tutsis du Rwanda, mais elle sera malgré tout très durement éprouvée : plus d’une trentaine de membres de sa famille sont massacrés.
Le récit se termine par la remémoration d’un séjour au Rwanda, quelque deux décennies après le génocide, à passer en souvenirs la vie d’autrefois, sur des lieux ayant marqué son enfance.
Voilà un récit trop rare d’une vie typiquement africaine, ayant abouti à son plein accomplissement en raison de la persévérance admirable d’une femme ayant placé l’éducation au centre de sa vie. Un très bel exemple pour toutes les femmes et les jeunes Africains, malgré le destin de survivance qui est le lot de bien des citoyens du continent.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...