Les derniers jours de Stefan Zweig, roman paru en 2010, traduit en plusieurs langues et adapté pour le théâtre, a fait la renommée de Laurent Seksik. Le cas Eduard Einstein (2013), puis Romain Gary s’en va-t-en guerre (2016), qui font également référence à un aspect peu connu de la vie privée d’hommes célèbres, ont aussi contribué à son succès.
Quant à son neuvième roman, Un fils obéissant, il revêt un caractère plus personnel, car Seksik le consacre à son propre père, Lucien, mort en 2016. Celui que l’on a qualifié de « maître de l’exofiction française » passe au « je » pour raconter sa relation presque symbiotique avec son père.
Le titre est à prendre au sens premier. En effet, Laurent est devenu médecin et écrivain pour satisfaire à la fois sa mère et son père. Jusqu’à cinquante ans, il mènera les deux carrières de front en suivant les principes éducatifs paternels dont celui du devoir avant tout. Pourtant, lorsqu’il décide enfin, sa vocation d’écrivain depuis longtemps confirmé, d’abandonner la médecine, son père qu’il croyait ainsi décevoir y verra plutôt le signe que son fils est enfin devenu un homme. Si le fils a très tôt fait sienne la volonté du père à qui il voue amour et admiration, ce dernier n’a pas ménagé son affection ni son dévouement. Le titre apparaissant sur le bandeau du livre, Le roman d’un amour sans fin, trouve donc sa justification.
« Mon père a disparu il y a un an aujourd’hui. » Ainsi s’ouvre le roman. Laurent prend l’avion à Charles-de-Gaulle pour Tel-Aviv, où sa famille célèbre cet anniversaire. Il doit y prononcer un discours devant la sépulture de son père, mort à quatre-vingt-cinq ans. Il a fait régulièrement ce vol pendant la maladie de son père. Cette fois, sa voisine de siège, Sandra, une parfaite inconnue, deviendra sa confidente. Elle qui déteste son père à souhaiter ne jamais le revoir vivant l’interroge sur ses motivations, ses choix, et le pousse par ses interventions à se définir et à préciser ses intentions. Laurent se raconte et raconte son père devenu orphelin à sept ans, et remonte jusqu’au grand-père Albert, mort des suites d’une maladie contractée sur les champs de bataille. Trois titres de chapitre alternent tout au long du roman autobiographique : « Nos retrouvailles », « Le livre de mon père », « Le temps des adieux ». Ces entrecroisements brisent la linéarité du récit et laissent place à une histoire enchâssée qui ne manque pas de fantaisie, celle de la Jacobine, cette boisson supposément médicamenteuse inventée par Jacob, père de l’oncle Victor, compagnon d’armes d’Albert. Histoire également de fidélité et de transmission.
Un fils obéissant laisse songeur, si loin de la théorie du « tuer le père », au cœur de la psychanalyse freudienne … N’empêche, l’histoire est crédible et touchante, le ton juste et le thème de la relation père-fils universel.