Le choix de la non-maternité et le recours à l’avortement restent deux sujets tabous, même à ce jour, et particulièrement dans un contexte de montée de la droite.
Valérie Forgues illustre dans son livre les questionnements et déchirements qu’elle a vécus lorsqu’elle est accidentellement tombée enceinte d’un homme dont elle n’était pas amoureuse. Avec une grande vulnérabilité, ses peurs et ses envies sont décrites, alors qu’elle raconte pourquoi elle choisit de ne pas devenir mère. Alternant souvenirs et extraits de la littérature pigés chez Annie Ernaux, Colombe Schneck, Sheila Heti, Lucie Joubert et d’autres encore, elle étaye sa thèse soutenant la liberté de choisir.
Parce que c’est de ça qu’il est question : l’autrice est assoiffée de liberté, d’espace mental (et physique) nécessaires à l’écriture ; elle se fait protectrice de son corps vis-à-vis des traumas de la grossesse et de l’accouchement, de ses temps libres, de la vie qu’elle s’est si méticuleusement choisie et créée.
« Tout est plus important que d’envisager la maternité. Je ne lâcherai pas le morceau. Il n’y aura que ça : écrire, libre d’enfants. »
À travers cette grossesse non désirée et indésirable qui la laisse en état de choc, Valérie Forgues se sert des souvenirs de ses relations amoureuses et de ses ruptures, de ses voyages et de ses rêves pour réussir à dire pourquoi ce qu’elle attend de la vie et ce qu’elle sait d’elle-même font qu’elle ne peut pas devenir mère.
« Je pensais avoir appris quelque chose de mes anciennes relations amoureuses, des zones d’ombres qui me font parfois agir de façon contraire à ma volonté, de mes déceptions et de mes colères. »
Plusieurs années après son interruption de grossesse, l’autrice ne regrette pas son choix, et se demande comment elle aurait expliqué les événements apocalyptiques des dernières années à son enfant. Avec amour et avec rage, elle pense à toutes ces femmes qui, à cause de lois votées en majorité par des hommes, devront mener des grossesses à terme sans le vouloir et accoucher d’enfants dont elles ne veulent pas dans un monde devenu terrifiant.
Malgré toute la noirceur de son récit, Valérie Forgues fait preuve d’une force immense et prouve qu’elle a pris la bonne décision en priorisant l’écriture au lieu de la maternité. Un choix d’amour est empreint de beaucoup de lumière et, justement, d’amour : envers cet enfant qui aurait pu naître, envers toutes les femmes ayant pris le même chemin qu’elle ou, inversement, ont fait du bien-être de leur enfant le centre de leur vie.
« Je n’ai pas la force de certaines femmes, pas le courage de me laisser emporter, ravager par l’expérience. C’est peut-être de la paresse, peut-être de l’amour de soi. »
C’est un récit empathique, nuancé, passionné, qui fait réfléchir et, ultimement, qui fait un bien immense, est cathartique.