Le travail occupe une place centrale dans nos vies. Il est source de gratification et de bonheur, mais aussi de stress et même parfois d’affliction. Est-ce que réduire le temps de travail offrirait la solution pour enfin améliorer notre qualité de vie ?
C’est à ce questionnement que s’est attelée Julia Posca, sociologue et chercheure à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Elle commence par explorer les tentatives visant à réduire la semaine de travail à 4 jours ou encore à 32 heures. La liste des arguments en faveur de cette mesure est longue : en distribuant mieux le travail, de l’emploi est créé, les gaz à effet de serre diminuent – il y a moins de déplacements –, la santé physique et mentale y gagne, la production demeure sensiblement la même, la surconsommation est freinée, bref, la qualité de vie augmente sur plusieurs plans.
Posca note la tendance historique vers la réduction du temps de travail. Au Québec, en 1894, la semaine de travail fut fixée à un maximum de 60 heures, soit 10 heures par jour, « mais pour les femmes et les enfants uniquement ». Elle est passée ensuite à 58 heures en 1908, à 48 heures vers 1920, à 45 heures en 1976, pour finalement s’établir autour de 40 heures vers l’an 2000. Malgré cette réduction, le niveau de richesse et de production s’est maintenu.
L’originalité du livre de Julia Posca ne se trouve cependant pas, comme le titre l’indique, dans l’unique idée de travailler moins. Enfin, à quoi servirait-il vraiment de travailler moins si le système capitaliste et de consommation débridée continue de nous mener tout droit dans le mur ? « Travailler moins chaque semaine, tout en maintenant des emplois qui répondent à des besoins superflus, c’est aussi entretenir un modèle économique basé sur un pillage des ressources naturelles qui demeure fondamentalement insoutenable. » Ainsi une flèche est-elle décochée à l’endroit des partisans de la liberté 45 et du FIRE (Financially Independant, Retired Early). En effet, ces mouvements qui invitent à prendre tôt sa retraite de la vie active comptent sur leurs investissements dans les marchés financiers pour atteindre le luxe de la dolce vita, marchés qui se maintiennent grâce à la production de marchandises souvent superflues et rapidement obsolètes, la dégradation des écosystèmes, le pétrole, le travail des autres, etc. S’y ajoute le fait qu’il est logiquement impossible de généraliser ce mode de vie ; il faut bien que quelques-uns, en réalité la majorité, fassent le boulot.
Il ne suffirait donc pas de travailler moins, aux dires de la sociologue, mais de retrouver « l’unité du travail et de la vie », selon le mot du philosophe André Gorz. À la fin de son livre, Posca suggère une série de mesures allant dans ce sens : démocratisation de l’économie, production de biens essentiels, mode coopératif des entreprises, dépassement des logiques de concurrence et implantation de sévères normes environnementales, notamment.
On le constate, depuis la pandémie, les remises en question du travail se multiplient, et ce, malgré les dangers du manque de main-d’œuvre qui pointent partout. Probablement qu’une majorité de travailleurs ne chercheraient pas à prendre leur retraite le plus tôt possible si leurs conditions d’emploi s’assouplissaient et, surtout, si leur travail avait plus de sens en participant à la construction d’un monde plus humain. Le temps est mûr pour revoir nos façons de faire et notre mode de vie.