La collection « Les classiques du XXIesiècle » permet d’avoir accès à une sélection de textes qui trace le parcours d’un poète. Ainsi en est-il de Nicole Brossard, de Jean-Paul Daoust, de Denise Desautels, de Jean-Marc Desgent et maintenant d’Herménégilde Chiasson. Trajets, trajectoires, traversées regroupe des textes de ce grand poète acadien placés par recueil dans l’ordre de publication. Un voyage dans le temps et dans l’œuvre.
Les éditions de la Grenouillère lui avaient demandé de faire la sélection et de choisir un titre. Fidèle à l’idée de ne donner qu’un mot comme titre (depuis Prophéties, 1986), il en soumet trois : Trajets, Trajectoires, Traversées. Les trois seront retenus. L’effet est intéressant parce qu’il met en relief l’écart de sens entre chacun de ces mots qui sont tous applicables aux œuvres et au cheminement de Chiasson.
Cette anthologie s’ouvre sur « Eugénie Melanson », le poème phare de Mourir à Scoudouc (1974). Le poète visite le Musée acadien à Moncton et remarque une vieille photo en noir et blanc d’une jeune fille. À travers elle, il pose le problème du rapport entre la tradition et la modernité, thème qui est au centre de son œuvre. Chiasson retient de ce recueil la suite de couleurs (les quatre du drapeau acadien et le noir), qui pose les jalons de sa réflexion et de son engagement : l’Acadie n’existe plus ou presque plus parce que son peuple se perçoit comme minorisé, elle a été violée, elle est isolée « au bout du monde » ; le poète dénonce cette situation, brandissant l’écriture comme unique arme. Toute l’œuvre qui suivra tendra à affirmer l’existence de l’Acadie, à assumer le viol qu’a été la Déportation, à définir ce que c’est d’être un peuple minoritaire (et non plus minorisé), à s’inventer un avenir, à s’ouvrir au monde et à l’accueillir.
La sélection de textes est excellente et permet de saisir la pensée de Chiasson, tout en montrant la multiplicité de ses approches formelles : récits qui peuvent être des évocations de sa vie, en particulier de sa jeunesse, ou mettre en scène des personnages plus ou moins vagues, poèmes versifiés (on pourra lire un sonnet tiré de Climats), listes dont le contenu donne son titre au recueil (Conversations, Actions, Répertoire). Le lecteur voyage ainsi à raison de quelques textes par recueil et d’un pour chacun des douze livres d’Autoportrait, qui est d’une certaine façon une somme des idées présentées par Chiasson et des formes qu’il a utilisées.
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