En 2004, rêvant depuis plusieurs années de mettre en scène un spectacle réunissant cinquante actrices, Brigitte Haentjens propose à Louise Dupré de collaborer avec elle. Interpellées par le thème de l’identité féminine dans leurs œuvres respectives, les deux femmes choisissent la relation mère-fille comme sujet de création. À la lumière de nombreux échanges et ateliers avec différentes actrices, Louise Dupré produit un récit poétique, qu’elle offre à Brigitte Haentjens. Puis, quelques mois plus tard, début 2006, est présenté à l’Usine C le spectacle Tout comme elle, « conçu et mis en scène par Brigitte Haentjens d’après un texte de Louise Dupré ».
Depuis vingt ans déjà, l’œuvre littéraire de Louise Dupré s’intéresse aux ruptures qui jalonnent l’existence des femmes. Son plus récent texte ne fait pas exception à la règle. Mettant en scène deux personnages, une mère et une fille, Tout comme elle traite de la relation filiale féminine. Mélange de peur, de haine et de fautes de communication, la relation mère-fille ici présentée est essentiellement trouble et douloureuse. Héritant du poids de la solitude et de la culpabilité de sa mère, la fille ressent l’échec de la relation avec celle qui lui a donné le jour, et craint de léguer ce bagage à sa propre fille. « Comment briser la chaîne des générations ? [ ] On voudrait que sa fille échappe à une douleur à laquelle on n’a pas réussi à échapper. Mais en vain. Les filles répètent les mères, et les mères leur propre mère, dans la commune impuissance des mères et des filles. »
Divisé en quatre séries de douze brefs tableaux, Tout comme elle présente ainsi un modèle particulier de relation mère-fille, dans lequel certaines femmes se reconnaîtront. Pour les autres, dont je suis, le premier texte pour le théâtre de Louise Dupré paraîtra par moments répétitif, en dépit de sa forte charge émotive et poétique. L’aspect tragique de la relation filiale qu’expose Tout comme elle interpellera peut-être davantage les femmes de la génération qui a précédé la mienne ; elles pourraient se percevoir à travers cette fumeuse souffrant de sa colère contre sa mère, une femme qui boit, inlassablement, son thé en silence.