Contrairement à ce que laisse croire le titre du dernier prix Médicis, Titus n’aimait pas Bérénice fait référence à des personnages contemporains. Au début du roman, un homme et une femme sont assis à la table d’un café. Titus apprend à Bérénice, sa maîtresse, qu’il la quitte pour rester avec Roma, la mère de ses enfants.
Une histoire banale, autant dans la vie que dans la fiction… Mais ce cas de figure est en fait un prétexte pour nous entretenir de Jean Racine. Anéantie, Bérénice entreprend sa convalescence en se plongeant dans l’œuvre du grand tragédien afin de comprendre ce qui lui est arrivé. De fil en aiguille, en voulant se rapprocher de ses héroïnes, elle tente de pénétrer l’esprit de leur créateur, d’expliquer comment s’est développée cette acuité qui a permis à un homme de peindre avec tant de justesse la subjectivité féminine. Si elle comprend comment ces figures ont été fabriquées, elle pourra aussi saisir les raisons pour lesquelles elle a été abandonnée. C’est pourquoi on passe vite de la lecture des tragédies à une enquête sur la vie du dramaturge, remontant le cours de son existence, de son éducation à l’abbaye de Port-Royal jusqu’à ses vieux jours. On observe l’écrivain en train de façonner son style auprès des plus grands maîtres jansénistes qui lui enseignent la traduction française des textes latins. Déjà on souligne des contradictions entre cette rigueur associée à une doctrine austère, voire rigoriste, et cette fascination pour la description des passions (en particulier chez le personnage de Didon) que le jeune Racine retrouve dans des lectures interdites. Ce tiraillement durera tout au long de sa vie, car « Jean », comme on le nomme familièrement, est déchiré entre son affection pour son ancienne famille persécutée par Louis XIV et le faste de Versailles, où son ambition l’amène à triompher.
Écrit dans une langue belle, posée, sobre, voire minimaliste, le livre prend plusieurs libertés avec l’histoire (notamment en ce qui concerne les apartés avec le roi de France), ce qui aboutit à un récit vivant, plus prenant qu’une biographie de l’auteur de Bérénice. L’écriture de Nathalie Azoulai, comme celle des classiques, semble être le fruit de nombreuses heures de polissage, une pièce de marbre froid qu’on sculpte pour y faire affleurer l’émotion. Mais il y a un aspect qui déçoit : l’histoire d’amour contemporaine et le récit emboîté se font peu écho, de sorte que l’unité du roman en souffre. Dommage.
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