La division idéologique contemporaine n’est pas tant entre l’islam et le monde chrétien, mais entre théocrates et démocrates, soutiennent avec brio les deux auteures, toutes deux spécialistes françaises des mouvements intégristes. L’ennemi de la modernité ne vient pas uniquement de l’islam politique, mais de son support intégriste. Or, le phénomène est tout aussi présent dans le monde juif que chrétien, comme l’atteste l’influence des religieux en Israël et de la droite chrétienne aux États-Unis. C’est là le véritable ennemi du progrès humain.
Les intégrismes, s’ils sont en théorie en opposition frontale les uns contre les autres, chacun convaincu de sa propre vérité, partagent en fait plusieurs combats : lutte contre l’émancipation des femmes, contre les droits reproductifs et sexuels (avortement, homosexualité), contre la liberté d’expression. Ils favorisent tous la censure et le contrôle des esprits. « Les intégristes de toutes les religions partagent l’idée selon laquelle la loi divine est supérieure à la loi des hommes, ce qui les amène logiquement à mépriser l’idéal démocratique et laïque. Malgré leurs conflits apparents, leurs efforts convergent pour faire reculer le sécularisme. »
Les deux chercheures ne tombent pas dans le piège de mettre tous les intégrismes dans le même panier. Judicieusement, elles reconnaissent « un surcroît de dangerosité de l’islamisme ». Ce n’est pas l’islam qui fait problème, opinent-elles (« l’histoire n’est pas le fait de Dieu mais celui des hommes »), mais la menace islamiste est plus actuelle en raison « d’une cascade de facteurs historiques, géopolitiques et identitaires », bref par le fait de régimes politiques étouffant toute expression démocratique.
Devant ce sécularisme combattu avec acharnement par tous ces groupes bien organisés, les auteures dénoncent notre « laïcité molle », et en appellent à la défense active de l’idéal laïque, le seul vecteur qui puisse nous faire progresser vers « un monde plus rationaliste, car seule la Raison permet de faire progresser les lois vers plus de justice, d’égalité et de liberté ».