Si l’on vous traite un jour de tête d’oiseau, n’y voyez pas tout de suite une insulte. C’est du moins ce que veut démontrer Louis Lefebvre dans son ouvrage sur l’intelligence de la faune ailée. D’entrée de jeu, il y affirme : « [I]l n’y a qu’une différence de degré entre intelligence humaine et celle des autres animaux », y compris les oiseaux.
Tout au long de Têtes de linotte ?, ce professeur émérite de biologie à l’Université McGill essaie d’en faire la démonstration en s’appuyant sur une méthode qui compare les oiseaux « en fonction d’une seule forme d’intelligence mesurée par l’innovation et la résolution de problème ». Ces deux caractéristiques comportementales, il les observe surtout, pour ne pas dire presque exclusivement, dans la façon dont nos lointains cousins ailés réussissent à se nourrir.
Louis Lefebvre fait remonter à 1921 la naissance de la recherche comportementale sur l’alimentation des volatiles quand, dans la petite ville de Swaithling, en banlieue de Southampton, des observateurs ont remarqué que les mésanges avaient appris à se débarrasser du bouchon des pintes de lait déposées devant les portes pour se nourrir de la crème qui flottait sur le dessus.
Chez la mésange, il s’agissait d’une innovation comportementale, donc l’indicateur d’une forme de créativité. Or, ne sont créatifs que les êtres dotés d’intelligence. Il n’y avait qu’un pas à faire pour conclure que plus une espèce innove dans son comportement alimentaire, plus elle est intelligente. À partir de cet axiome, l’auteur nous entraîne aux quatre coins de la planète en comparant les processus alimentaires d’une multitude d’oiseaux, du plus gros au plus petit, de celui des villes à celui des champs, de celui qui découvre à celui qui imite.
Au terme de ce tour d’horizon, nous aurons appris bien des choses, entre autres sur la phylogénie des espèces et sur la nature de certains liens entre ADN et modification comportementale (épigénétique). Nous saurons que la championne toute catégorie de l’innovation, donc de l’intelligence, est la famille des corvidés (geai, pie, corneille, etc.), qui compte dans ses rangs le plus futé de tous les oiseaux : le corbeau de Nouvelle-Calédonie. Au chapitre des moins doués, on trouve les ratites (autruche, émeu, casoar, notamment) et les gallinacés (poule, dinde, pintade, etc.). La linotte, elle, se situe dans la moyenne.
Pour stimulant qu’il soit, l’essai de Louis Lefebvre demande toutefois à son lecteur plus qu’un intérêt de dilettante pour la gent ailée. Têtes de linotte ? ne donne ni dans le plumage ni dans le ramage, comme dans la fable de La Fontaine, mais nous plonge dans une démarche scientifique où il est plus souvent question de synapse que de trilles. Une lecture pour ornithologues amateurs fervents.