Sans éclat. Sans bruit. Tout doucement, comme un chat qui nous veut du bien s’installe sur nos genoux, la lenteur du roman d’IrinaEgli s’impose. Le vent du large qui souffle sur Constantza, ville côtière roumaine, est porteur du sel qui pimente ce récit où se joue « une tragédie vieille comme le monde » (quatrième de couverture).
Terre salée est le premier roman d’IrinaEgli, scénariste et réalisatrice montréalaise née à Bucarest en Roumanie. Les origines de l’auteure expliquent possiblement l’omniprésence de l’Ailleurs, l’exotisme des noms : Anda, Alexandru, Ioana, Vera, Ahoe, etc. et, peut-être aussi, le rythme du texte qui rappelle parfois Milan Kundera C’est dans une ancienne cité grecque que se joue l’un des plus vieux drames amoureux. Le décor est donc planté. Il ne s’agit pas d’un banal triangle amoureux, mais bien d’un triangle constitué de la femme, de la fille et du père. La passion, aussi intense qu’interdite, qui unit Anda (la fille) et Alexandru (le père), les dévore, les avale et tire vers le fond de la mer Noire ce couple coupable et leurs proches.
Récit sombre, lourd et lent, Terre salée contient (heureusement) de très beaux dialogues et des descriptions évocatrices et stimulantes. « La pluie avait avivé l’odeur des fleurs. Reines de la nuit, roses, hortensias. Du balcon de ton appartement, on pouvait voir une partie de la plage et un fragment de mer. Et le port militaire. Au large, des rochers groupés, comme pour protéger la plage. Des albatros s’y reposaient, à la frontière de deux mondes. » Malgré le sérieux du sujet traité, Irina Egli évite de sombrer dans le mélodrame, l’incestueux cliché et le réchauffé. Ce faisant, son roman conserve un ton poétique où le non-dit et l’incommunicabilité sont les guides privilégiés du lecteur ainsi que les gardiens d’un espoir nécessaire.