Ce recueil réunit deux suites qui ont été choisies par le jury du prix Piché de poésie de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Celle de Catherine Poulin, Tailler les mammifères, a obtenu le premier prix et celle de Mathieu Simoneau, Sur l’autre versant, a reçu une mention.
Si le lecteur a de la difficulté à comprendre que la chasse soit un« sport de plus en plus populaire auprès des jeunes femmes », il risque de trouver dérangeante l’évocation de scènes de chasse dignes d’un film « gore » dans le recueil deCatherine Poulin. Entre fierté et culpabilité, le texte a le ton d’un plaidoyer pro domo écrit dans un style familier. « C’est parce qu’elle a mis bas le mois passé était pas supposée des jumeaux sur le tard / c’est juste pour ça faut comprendre. » Les deux oursons feront un beau trophée sur un « socle recouvert de vinyle ». La chasse ici est une affaire de famille. Le père « paye encore sur sa carte Visa une épopée nordique » dont il a rapporté un ours, la plus belle pièce du salon. Mais, avant de faire le fier devant ses invités, il faut être capable de dépecer et ne pas se conduire comme une « crisse de moumoune qui vomit à côté de l’ouverture béante ».
Un seul vers suffit à démontrer à quel point l’univers poétique de Mathieu Simoneau dans la suite Sur l’autre versant est différent de celui de Catherine Poulin : « [E]t on replace un souffle en chaque oiseau mort / pour la montée du silence ». La narration est faite à la deuxième personne du singulier : « Tu te tenais là dans l’évidence de l’être ». Je qualifierais volontiers cette poésie d’ontologique, car le texte se présente comme un parcours de vie, de la nuit originelle d’où nous venons à celle où nous irons à notre mort : « Au commencement / c’était la grande bouche ouverte de la nuit ». Le poète réfléchit aussi sur la poésie : « [L]’arbre a repris en lui / les mots fertiles /du poème » et s’interroge : « [T]e reconnais-tu dans ces mots / ce n’est plus toi qui parles sur l’autre versant ». Pourtant, il vaut quand même la peine d’écrire, car parmi « tant de mots / il y en a qui défoncent à petit feu les clôtures ». Pour abstraite que soit la pensée du poète, elle est toujours portée par la beauté des images.
Le fait qu’un jury récompense des formes poétiques aussi différentes, tant dans le fond que dans la forme, montre à quel point ce moyen d’expression est loin d’être univoque au Québec. Toutefois, il est regrettable que l’éditeur n’ait mis sur la couverture que le titre de la suite de Catherine Poulin, comme si les deux auteurs avaient traité le même sujet.
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