Au départ, Stéphane Ledien dote son héros de divers intérêts et de multiples générosités. Eddy Barcot a vieilli depuis son règne de champion boxeur, mais, quand il protège un commerce contre le vol à l’étalage, il sait investir dans cet emploi fermeté et sens des nuances. De la boxe, il enseigne les beautés (?) à quelques jeunes Parisiens. Il ajoute ensuite à ces activités plutôt viriles une soupape culturelle qui prend la forme d’amicales séances de cinéma classique. Vie remplie, aérée, nourrie de contacts avec la rue. Vie parisienne dont les références et les expressions ne franchissent pas toutes heureusement l’Atlantique, mais dont on sent le rythme, le naturel, l’enracinement.
Le virage laisse songeur. Eddy Barcot, cœur sur la main et phalanges à l’assaut, porte secours à une amie chère dont le frère manque à l’appel depuis quelques jours. Primesautier, trop candide pour douter de ses connaissances, dépourvu de la méfiance qu’exigent les longues existences, Eddy Barcot reçoit encore plus de coups qu’il n’en distribue ; à croire qu’il veut battre les records de commotions cérébrales établis par le Nestor Burma de Léo Malet. Il finira par se soumettre – et soumettre son lecteur – à d’assez fastidieux briefings au sujet, par exemple, d’Oussama ben Laden… dont il avoue tout ignorer : « C’est, lui apprend-on, le chef spirituel du réseau Al-Qaïda. Il figure depuis le mois de juin sur la liste des individus les plus recherchés par le FBI ». Du coup, le lecteur comprend que le récit concerne une actualité révolue et dont les axes sont familiers. Malgré ce handicap rédhibitoire, Ledien jette dans son intrigue une masse de renseignements colligés par la presse au fil des ans, mais auxquels le lecteur moyen n’accordera pas l’attention d’un limier professionnel. L’ex-boxeur n’y gagnera même pas une formation politique de niveau 101. Quand on voudra prouver à Barcot que Montréal attire les francophones du Maghreb et constitue un incubateur d’apprentis terroristes, on lui expliquera que « le Canada fournit du pétrole aux États-Unis, ce qui contrarie Al-Qaïda ». Comme si l’appui inconditionnel offert par le Canada à Israël ne choquait pas davantage ce milieu.
Ouvrage touffu qui a le mérite de soupçonner la fluidité des réseaux terroristes, mais qui en escamote ou en simplifie la genèse. Quant à Eddy Barcot, son nouveau statut nécessiterait un meilleur recyclage.
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