Linguiste à l’Université d’Ottawa, Éric Mathieu a publié en anglais de nombreux ouvrages et des articles dans des revues spécialisées. Ses travaux portent sur la linguistique française et l’ojibwé, une langue algonquienne. Avec Les suicidés d’Eau-Claire, le syntacticien signe un premier roman.
L’action se passe en Lorraine dans une petite ville industrielle en déclin, Eau-Claire. Dès le prologue, le lecteur prend connaissance de lettres expédiées à un notaire, l’informant du suicide des trois membres d’une même famille, les Corbin ; la clé, l’adresse de la maison où retrouver les cadavres et un testament font partie de l’envoi. Jusqu’à l’épilogue consacré aux conclusions des enquêtes policières, le narrateur externe prend le lecteur à témoin du quotidien des membres de la famille Corbin au cours des mois qui ont précédé l’issue fatale. Le narrateur suit en alternance Jean-Renaud Corbin, sa femme Camille et leur adolescente, Sybille, née aux États-Unis. Ce serait pour elle que les parents auraient choisi de revenir dans leur pays d’origine, afin qu’elle s’imprègne de la culture française.
Jean-Renaud Corbin était parti aux États-Unis avec sa jeune épouse, mû par l’ambition de s’élever au-dessus de la condition de sa famille et de son métier de maçon. Un long séjour à l’étranger les aura amenés de l’État de New York à Ottawa jusqu’en Australie, où Jean-Renaud aurait soi-disant occupé des postes importants permettant à sa famille de vivre dans le luxe. De retour dans la ville d’Eau-Claire qu’il déteste, insomniaque et paranoïaque, se disant surqualifié, il va de rendez-vous en rendez-vous, à la recherche d’un emploi à sa mesure. En vain. Criblée de dettes, la petite famille refermée sur elle-même continue néanmoins de consommer des produits de luxe. L’épouse, Camille, semble vivre sur une autre planète avec ses magazines, son alcool et ses amants. Parents surprotecteurs en apparence, ils sont pourtant sourds et aveugles à la violence et au harcèlement que subit à l’école leur fille Sybille. Trop bonne élève, réservée, l’adolescente est victime de trahison et de cruauté de la part de ses camarades. Le rejet, la peur et la solitude la minent chaque jour jusqu’à ce qu’une bande de punks l’enjôlent et l’initient à leurs pratiques destructrices.
Un roman poignant que Les suicidés d’Eau-Claire, roman qui dépayse, qui séduit par la justesse du regard porté sur la société et les caractères des personnages. L’écriture précise et sensible d’Éric Mathieu est à la mesure du propos.
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