« Steve Jobs est le chef d’entreprise de notre époque qui aura le plus de chance de rester dans les mémoires d’ici un siècle. » C’est peut-être pour cette raison que Walter Isaacson, l’ancien PDG de CNN et directeur de la rédaction du magazine Time, a accepté la proposition que lui avait faite Jobs en 2004 d’écrire un livre sur sa vie en l’assurant qu’il n’exercerait aucun contrôle sur son contenu en même temps qu’il lui ouvrait les portes de son intimité. Pourquoi étaler sa vie sur la place publique lui qui était si jaloux de sa vie privée ? « Je veux que mes enfants sachent qui j'[étais] », répondra-t-il laconiquement à Walter Isaacson.
S’il n’occulte pas l’homme privé dont il ne cache aucun travers, ce que retient Isaacson de Steve Jobs c’est d’abord le créateur d’Apple, le bidouilleur de génie, le chef d’entreprise qui impose sa vision et surtout, l’auteur du plus formidable retour de l’histoire de l’industrie américaine. Le biographe de Steve Jobs suit son ascension à la trace depuis ses bricolages dans le garage paternel de Palo Alto où, avec Steve Wozniak, il met au point son premier ordinateur, jusqu’à sa complète domination du marché du secteur technologique.
« Steve Jobs n’était pas un inventeur au sens strict, mais un maître pour mêler idées, art et technologie. » Selon Isaacson, ce sont les trois axes qui permettent de décrypter sa personnalité. Ses règles de vie, il les a puisées dès son adolescence dans le bouddhisme zen et dans un trait particulier de sa personnalité, à savoir sa conviction profonde qu’il pouvait changer le monde autour de lui et qu’aucun obstacle ne pouvait s’interposer durablement entre ses désirs et leur réalisation. C’est le fameux « champ de distorsion de la réalité » dont parlent tous ceux qui l’ont côtoyé.
Sur les plans formel et esthétique, il avait fait siens les principes prônés par le Bauhaus qu’il résumait ainsi : « […] la simplicité est la sophistication suprême ». Quant à son style de direction d’entreprise, ce control freak a très tôt opté pour un mode d’organisation intégrée verticalement qui lui permettait d’imposer sa volonté à tous les niveaux : du choix des matériaux de fabrication de ses appareils jusqu’à leur présentation en magasin, en passant par les programmes informatiques qui les feraient fonctionner, leur apparence – le design était sa passion – et leur mise en marché.
« Avec une férocité qui pouvait rendre la collaboration avec lui aussi destructrice que passionnante, [Steve Jobs] a bâti l’entreprise la plus créative du monde », écrit Isaacson à la fin de son livre. Il est vrai qu’aucune invention de ses concurrents n’a eu autant d’importance que le iPod, le iPhone ou le iPad sur nos façons de vivre. Pour beaucoup, acheter Apple, c’était également adhérer à une certaine vision du futur. Gourou pour les fanas d’informatique, dirigeant adulé sur les marchés boursiers, entrepreneur visionnaire, mais homme médiocre dans ses rapports avec autrui, Steve Jobs nous est dépeint de façon passionnante par Walter Isaacson, qui nous plonge au cœur de la vie d’un homme hors du commun et d’une des plus excitantes réussites commerciales de l’histoire moderne.