Premier recueil de nouvelles d’un auteur, Nick Mulgrew, encore inconnu du lectorat francophone, qui offre un regard inédit sur l’Afrique du Sud et sur sa jeunesse, dans une langue, ici traduite par sept étudiant(e)s à la maîtrise en traduction et terminologie de l’Université Laval, qui se veut le reflet du choc des cultures à l’extrémité australe du continent africain.
La nouvelle qui ouvre le recueil, « Les tours d’Athlone », donne le ton et la couleur de l’univers dans lequel nous convie Nick Mulgrew. Une jeune femme, la narratrice, évoque le dynamitage prochain de deux immenses tours industrielles alors que son compagnon s’empresse de la reconduire à l’aéroport pour retourner assister à la démolition. Mais voilà que les deux tours s’effondrent plus tôt que prévu et que son compagnon, qui souhaitait ne rien manquer du spectacle, se retrouve devant un fait accompli. « Un paysage venait de changer à jamais, et tu n’avais rien vu », dit le narrateur. Voilà pour la conclusion de leur vie de couple.
Le texte qui suit, « Tournant », explore également, en onze courts tableaux, l’autopsie d’une relation amoureuse. Avec « Le postier », un changement de registre s’opère en jouant sur la méprise provoquée par une situation ubuesque dans laquelle un postier se voit récompensé après s’être introduit par effraction dans une résidence. L’intérêt de ce texte repose ici en grande partie sur l’oralité de la narration, qui met en valeur le parler local. Et, bien entendu, sur l’humour dont ne se prive pas Nick Mulgrew dans le déploiement des scènes qu’il imagine.
Le recueil comporte quatorze textes qui mettent en scène des personnages et des situations qui peuvent, par moments, rappeler l’univers de Raymond Carver. Dans « Ponta Do Ouro », une mère, dont le mari vient de lui annoncer qu’il la quitte, part fêter Noël au Mozambique avec son fils. Alors qu’ils assistent à la messe, le célébrant, constatant qu’il les accueille dans son église pour la première fois, les invite à prendre la parole en lieu et place du sermon qu’il doit livrer à ses fidèles. Après maintes hésitations, la mère se lève et livre un témoignage dont il serait sans doute plus judicieux de laisser au lecteur le plaisir de découvrir le message.
Comme cela est souvent le cas pour un premier recueil, Stations offre un large éventail de sujets et une variété de traitements, et comporte maintes surprises qui vont des préoccupations de la jeunesse vivant à Durban ou dans d’autres agglomérations urbaines de l’Afrique du Sud à l’exploration du racisme inversé, en passant par la crucifixion d’une jeune fille dans un monastère et la chute d’un alpiniste qui reviendra à la vie pour livrer ses impressions, pour ne donner que ces quelques pistes. Bref, on ne s’ennuie pas en compagnie de Nick Mulgrew.