« Pieds nus sur la terre au printemps / sur ma tête une fleur s’ouvre. » Représentatif de sa dernière période, ce bref poème de Ko Un est tiré du recueil Des poèmes, des regrets (2002) dont quelques extraits ont été repris dans la courte anthologie Sous un poirier sauvage. L’ouvrage publié chez Circé propose, en fait, une cinquantaine de poèmes et suites poétiques caractéristiques des différentes périodes littéraires du grand écrivain coréen. Une œuvre qui trouve sa source dans une vie faite de profondes ruptures et renaissances.
Né en 1933 dans une province du sud de la péninsule coréenne, Ko Un grandit sous la répressive colonisation nipponne. Sa découverte des grands maîtres des littératures chinoise et coréenne influencera sa destinée. En 1950, il devient professeur de coréen et de dessin mais, en juin, il est mobilisé dans l’armée populaire lorsque la guerre civile éclate. Ce conflit fratricide le hante à jamais. Les quelque trente années qui suivront seront marquées par une quête de vérité qui prend différentes formes, de l’absolu de la religion au chaos intime : moine bouddhiste qui mendie sur les routes du pays, directeur d’un centre de bienfaisance qui cède à l’alcoolisme et aux tentatives de suicide, activiste engagé pour la liberté d’expression et les droits de l’homme qui sera emprisonné, torturé et condamné à mort. Sa peine sera muée en emprisonnement à vie et, en 1982, il est gracié à la faveur d’une amnistie générale. Il a 50 ans. Il s’installe au sud de Séoul et se marie. Avec la naissance de sa fille commence une période féconde alors que se multiplient les publications, les invitations à enseigner à l’étranger et les prix littéraires.
Ce parcours hors du commun se reflète dans ce qu’on peut considérer comme une introduction à l’œuvre de Ko Un avec des poèmes de 1960, de la fin de cette même décennie, du milieu des années 1970 et de 2002. Caractérisé par plusieurs images qui traduisent son univers intime – le cheval, les tombes, la mer -, Sous un poirier sauvage révèle ce qu’il y a de douloureux et d’ironique chez le poète Ko Un. « Je ne vais plus dans ce bidonville de Nangok-dong / rencontrer sœur Noh Junghye / ni à l’usine des ouvriers népalais // moi, aujourd’hui / j’ai plein de cravates / j’écris tranquillement un mot des années soixante-dix / le mot ‘peuple’ »