« Le Canada est un beau pays, mais ils ne sont quand même pas très futés ! […] On nous fait venir ici, mais on ne nous dit pas comment y vivre. Sans mode d’emploi, nous, on ne sait pas comment faire, on n’a pas l’habitude. » Le débat est ouvert : nous, les expatriés, en provenance de pays ex-communistes ; eux, les résidents, les Montréalais. Seulement attendre et regarder, le sixième roman de la Géorgienne Elena Botchorichvili depuis son arrivée au Québec en 1992, demeure dans le ton singulier et joyeusement original propre à l’auteure. L’écrivaine pose ici la problématique de l’immigration et, en filigrane, celle de l’espoir.
Car néo-Québécois, ils le sont tous, ces personnages colorés, aux contours peu ou mal définis, que l’auteure se plaît à introduire dans ses courts romans. Nouvellement arrivés dans un Montréal biscornu, ils ne comprennent pas cette Babylone moderne, ils ne l’aiment pas non plus. « Cette ville était d’une grisaille crasseuse, d’une laideur à en crever. » Les nouveaux arrivants sont en attente de tout et de rien, peut-être d’un glorieux printemps qui n’arrive pas. « Ils contemplaient la ville bleue, en bas, renouant avec la vieille habitude communiste de passer son temps à ne rien faire. »
Autre pays, autres mœurs, ô combien déroutantes pour les nostalgiques de contrées où « on posait du vin sur la table et une kalachnikov sous la table ». Alors les immigrants regardent intensément, ils analysent, ils concluent, parfois à tort et à travers : « Il y a tellement de gays parmi eux que c’en est à devenir fou ! […] Chez nous, il doit sans doute y en avoir, mais ils ne sont pas aussi effrontés, ils restent cachés ! »
Les livres de Botchorichvili sont de longues nouvelles, où abondent propos politico-historiques et obsédantes répétitions, pour bien marteler le propos. « Eux c’est eux, nous c’est nous. […] Peut-on séparer les hommes avec je ne sais quel Rideau, je ne sais quel Mur ? » La question est posée.
En leitmotiv, la quête d’un jour meilleur. À force de supplications : « Mon printemps, mon amour, arrive, arrive ! », le printemps « finit par arriver. Il n’y a qu’à Montréal qu’il survient ainsi, en une heure, en un seul instant. […] Mon printemps, mon amour ! »