La facture est d’une rare banalité, l’histoire contée ad nauseam, même les personnages et le faux ton d’antan sonnent creux. Christiane Singer nous a pourtant habitués à de bien plus hautes et lumineuses envolées. Comme quoi les bons ont leur moment d’égarement. S’est-elle fourvoyée avec cette histoire d’amour qui finit bien ? Ils eurent de beaux enfants, il mourut des suites d’une longue maladie et elle lui voua un culte par-delà la Grande Faucheuse.
Trois lettres et un cahier se croisent dans ce livre, tous adressés à un Seigneur, ou un salvateur, ce qui rime au même : le Gentilhomme de Bernage. Mais cela ressemble à des prétextes pour l’auteure, comme s’il fallait raconter, à travers une histoire de château dans un faux lointain, une romance presque banale. Lui, Sigismund d’Ehrenburg, écrit à ce Bernage envoyé en légation à Cologne par le roi Charles VIII. Elle, Albe d’Ehrenburg, écrit aussi au Seigneur qui de facto devient une sorte de confident dont on ne lira jamais les réponses. Mais ce n’est pas tant l’intrigue qui est en cause que l’incongruité du contenu et du contenant.
D’abord, le vocabulaire. De temps en temps, Christiane Singer va chercher des mots adéquats comme pour faire vrai ou pour parer de « plus vrai » l’aventure de ses personnages. Faut dire qu’on est censé être au Moyen Âge. Rien ne nous y plonge, surtout pas les quelques et rares « nulluy », les passages sur la question d’honneur (assez pathétiques), ou des trucs du genre « lambrequin d’un dais ».
S’ajoute au tableau la pauvreté de la trame narrative : la romancière aurait dû laisser la trente-deuxième de l’Heptaméron à Marguerite de Navarre, au lieu de s’en inspirer et d’étirer malencontreusement la nouvelle qui en son temps ne faisait que trois pages.