Principalement entre 1973 et 1979, Serge Fiori a été l’âme du groupe Harmonium, avec Michel Normandeau et Louis Valois. Fiori, S’enlever du chemin permet de répondre à la question suivante : « Pourquoi ce génie est-il resté dans l’ombre durant presque toute la deuxième moitié de sa vie sans jamais retourner sur la scène ? »
Cette biographie remarquablement bien documentée fourmille de détails : ce que Fiori lisait, les disques qu’il écoutait en boucle (par exemple, Soleil de Jean-Pierre Ferland), les films qu’il a aimés, ses fréquentations, ses passions, les lieux où il a habité depuis son enfance. Chacune des rencontres de Fiori avec les grands musiciens qu’il admire est ici relatée, parfois sur un ton cocasse, comme celles avec James Taylor, les groupes Genesis et Supertramp. Ailleurs, on décrit avec précision comment Fiori était perçu par ses admiratrices au moment de la sortie de « Comme un sage » : « Elles le voient comme un être asexué, une lumière porteuse de quelque message divin ». Mais le chanteur est agacé par cette perception, cette image divinisée ; il vit mal la célébrité, ou plutôt le culte qu’on lui voue. La biographe raconte que certaines admiratrices campaient sur son terrain et attendaient chaque jour une déclaration !
Le groupe se produit au Canada, en Californie, en Europe, et une aventure internationale est à portée de main. Cependant, Fiori se sent serré au sein de ce qui est devenu une grosse machine coûteuse qui ne peut pas s’arrêter sans faire faillite. La (trop) grande sensibilité de Serge Fiori lui aura permis de créer des chefs-d’œuvre, mais elle aura aussi été sa pire ennemie.
Première biographie (il était temps !) à être consacrée à ce musicien surdoué, Serge Fiori, S’enlever du chemin nous replonge dans une époque révolue, faite d’utopies et de rêves brisés ou inachevés, comme ce supergroupe Fiori-Séguin-Rivard qui aurait peut-être pu devenir au Québec quelque chose d’aussi grand que Crosby, Stills & Nash. Avec une passion contagieuse, Louise Thériault fait revivre « pour un instant » cette période mémorable avec sa quête de spiritualité, le culte de la nature, une surabondance de musique, et tout ce qui a été produit depuis la fin d’Harmonium. Quelques imprécisions auraient pu être évitées : par exemple, la chanson « Le vent du fleuve » de Michel Rivard ne figure pas sur son premier album solo mais bien sur le quatrième disque du groupe Beau Dommage, Passagers.
Immense musicien, capable de chanter aussi bien en français qu’en anglais, Serge Fiori méritait d’avoir la carrière d’un Peter Gabriel, d’un Neil Young ou d’un Roger Waters. Il en avait indéniablement le talent. Mais tout n’est pas perdu… Un nouveau disque du chanteur est annoncé pour la fin de 2013.