Pour son 500e titre, la maison d’édition JCL ne pouvait offrir une meilleure distribution des rôles : le lac Saint-Jean comme immense acteur de soutien, un quatuor de jeunes femmes aux tempéraments divers, des parents captifs de leurs secrets barbelés, un entourage de jeunes mâles aux appétits versatiles, un clergé obéissant à la lettre plus qu’à l’esprit, un policier séduisant… Le résultat est celui que l’on pouvait attendre d’une auteure qui, de révélations en rebondissements, sait insuffler à ses sagas un souffle constant.
Le lac Saint-Jean, comme il se doit pour un roman-jalon dans la trajectoire d’une solide maison d’édition régionale, pèse ici lourdement sur les destins humains. Quand les pluies catastrophiques des années 1926 et 1928 noient pâturages et résidences, le lac est d’autant plus meurtrier et dévastateur que les barrages qui l’encadrent demeurent hermétiquement fermés. Cette gestion du lac, dictée par les grands capitaux plus que par les intérêts des riverains, sera périodiquement critiquée, mais des décennies passeront avant que cesse « le scandale des eaux folles ». Cette toile de fond révèle l’acuité du regard de Marie-Bernadette Dupuy. On pense, en la lisant, au roman de Bernard Clavel racontant, un temps d’avance, l’effondrement d’une mine du Nord-Ouest québécois et la mort d’une poignée de mineurs.
Sur cette dimension cosmique du récit se greffe une enquête qui aurait pu n’être que policière, mais qui vibre de lancinants questionnements humains. Quand le lac restitue le cadavre d’Emma, la plus jeune des filles Cloutier, certains se bornent à déplorer l’accident. Un mot laissé par la jeune femme éveille pourtant le soupçon. La traque menée par Jacinthe, l’aînée mal aimée des filles Cloutier, débusque des pans complets d’amours sommaires, d’imprudences onéreuses, de comportements irresponsables. Comment juger le jeune homme qui a séduit Emma pour se venger de la froideur de Jacinthe ? Emma s’est-elle suicidée ? L’a-t-on tuée ? Qu’a vu Matilda quand elle a procédé à la toilette mortuaire d’Emma ? La mère d’Emma, en proie à un tel déni que sa raison vacille, va-t-elle sombrer dans la démence ou expliquer enfin la disgrâce de Jacinthe ? Et Jacinthe, infirmière d’un hôpital sous emprise religieuse, paiera-t-elle de son emploi l’ardeur investie dans son enquête ? Tout cela pendant que s’apaise le lac.
Ce qui est de toute évidence un simple premier tome satisfait aux meilleures exigences de ce genre de littérature : les sentiments y sont abondants et le plus souvent généreux, mais jamais le récit ne verse dans le sirupeux, l’illogique, l’artificiel. Comme il se doit, la conclusion rend la suite désirable.
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