Si on pense d’abord aux Soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma, c’est vers Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche que s’échouent nos pensées à la lecture de Salone.
À l’origine, l’histoire de Kaanda, protégeant son bébé Ezzi. Envoyés vers le Brésil à bord d’un négrier, puis libérés au milieu de leur traversée. Ils seront transplantés en Sierra Leone, là où étaient redirigés les esclaves affranchis. Or le pays est rongé par une bande d’arrivistes ; la ville de Salone, salie par deux fléaux : la corruption et la contrebande de diamants. Roman choral aux motifs récurrents, Salone morcelle les points de vue. Les époques se succèdent, tout comme les personnages. La mosaïque prend forme.
Laurent Bonnet pose un regard lucide sur une réalité sociopolitique des plus complexes. Il arrive à traduire le désabusement ambiant et fait le triste constat de l’impuissance de ceux-là mêmes qui se donnaient bonne conscience alors que des dizaines de milliers de Sierra-Léonais se faisaient mutiler. Salone n’échappe pas à cette description de la militarisation du pays, et de la tension conséquente créée par ces rebelles de la junte caressant la crosse de leur arme. Résultera de cette situation un peuple traumatisé par les exactions et les dérives barbares. Dans un hommage éloquent, Laurent Bonnet chante la grandeur et la misère de la caste krio.
L’auteur est un Français qui goûte l’aventure et les voyages au long cours. Lui-même ayant travaillé plusieurs années en Sierra Leone, Laurent Bonnet évite pourtant le piège attendu d’ethnocentrisme. Salone est un roman véritablement africain, au même titre que Maria Chapdelaine est une œuvre fondamentale du corpus canadien-français. Dans Salone, on ne sent pas le point de vue du Blanc occidental. Voilà un texte ressenti intimement par un homme imprégné de la culture sierra-léonaise.
Vents d’ailleurs est une nouvelle maison d’édition française qui s’est donné comme objectifs de publier de nouvelles voix ouvertes sur le monde et de faire la part belle à la diversité culturelle. En clair, Vents d’ailleurs compte contribuer par le truchement de la littérature à bâtir une société plus solidaire et plus humaine, pour reprendre les mots mêmes des éditeurs. Pour ce travail d’éducation des consciences sur ce qui s’est passé en Sierra Leone, tenki padi Bonnet, tenki.