Sa disparition est le premier roman de la Québécoise Olivia Delachanal et il est issu d’un mémoire de maîtrise présenté à l’Université Laval. Il s’agit en filigrane d’un réquisitoire en faveur des personnes âgées vivant dans des centres d’accueil.
La narratrice raconte en détail les multiples démarches qu’elle décide d’entreprendre afin de retrouver sa grand-mère, Aline Martin, 94 ans, disparue de la chambre qu’elle occupait au « Centre Fleur de l’âge » à Montréal. Une malheureuse chute survenue dans sa maison a confiné la vieille dame « pas toujours facile » à un fauteuil roulant. Avec la complicité de l’infirmière Valentina, la petite-fille questionne tous les résidents du Centre, et à plus d’une reprise parfois. Deux pensionnaires, MM. Giroux et Sears, aident bientôt dans ses recherches la détective amateur qui consigne dans des « notes au carnet » tout ce qui peut lui fournir des indices : les allées et venues des un(e)s et des autres, les médicaments administrés, les occupations de tou(te)s, les diverses opinions et hypothèses sur la disparition de la nonagénaire… Le résultat de ces enquêtes est révélé… à la dernière page !
Le roman s’inspire de nombreux documents tirés du réel, tels des rapports gouvernementaux, des articles de journaux et de revues, une lettre publique, une déclaration ministérielle, des reportages radio et télévisuels, des témoignages de bénéficiaires…, toutes sources « digérées et transformées avant d’être incorporées au roman », dit l’auteure en en donnant la liste à la fin. Ces documents sont présentés dans une typographie variée qui va des caractères réguliers aux italiques et aux grandes et petites capitales.
Le récit met en scène une quantité imposante de personnages : près de 90 noms, prénoms et initiales apparaissent dans les 204 courtes pages de texte, sans compter les perruches Tic et Toc, la chienne Pouffe, le chat Osiris et le rat Gustave ! Cette accumulation change parfois le rythme et la vivacité du roman. En revanche, l’abondance de détails concernant les activités de tout un chacun, les exposés des lacunes dans les centres d’accueil et la description documentée des multiples médicaments distribués aux usagers par Valentina ont un heureux effet de réel : ce sont les « petits faits vrais » chers à Stendhal. À cet aspect pour ainsi dire documentaire s’ajoute un registre plus surréel quand on considère le « philtre soporifique » concocté par Giroux et Sears et qui fait tomber les résidents « comme des mouches ». De plus, épuisée par ses recherches obstinées, la narratrice est victime de faiblesses, de vertiges, de bourdonnements, et finit par entendre la voix d’Aline à la morgue du Centre. Elle trébuche ensuite sur le béton, se blesse et perd connaissance. Les hallucinations qu’elle connaît alors sont racontées avec un humour léger qui tend à contrebalancer le tragique de la situation. Un rêve récurrent lui donne en même temps l’espoir de revoir sa grand-mère.
Olivia Delachanal, qui a déjà, dit-elle, « commencé la recherche pour un nouveau roman », est une auteure à suivre.