Imaginez un moine zen au XVIIIe siècle, au Japon. À douze ans, il entre à une école dirigée par un lettré respecté qui lui enseigne la littérature chinoise et la philosophie des pères du système taoïste, Lao tseu et Tchouang tseu. Il lit également le grand poète Han Chan, ce vagabond génial que les beatniks adopteront et feront connaître en Occident. Après ses études, ce moine occupe le poste de fonctionnaire pour une courte période avant de devenir novice dans un temple zen où il restera quatre ans et prendra le nom de Ryokan, qui signifie bon et magnanime. Il passe ensuite quelque temps dans un temple de l’école Soto, pour aboutir finalement au temple Entsu d’Okayama où il découvre son véritable maître, Tainin Kokuzen, calligraphe et poète. Il mènera auprès de ce maître une vie austère et rude entrecoupée de méditations intensives (zazen). Il s’y attarde à l’étude de l’œuvre considérable de Dogen qui s’était rendu en Chine pour atteindre l’illumination avant de revenir au Japon.
À la mort de son maître, conformément à son enseignement, Ryokan se retire dans les montagnes et les vallées profondes et devient un moine mendiant. Il avait 28 ans. Vivant dans une cabane faite de branchages et recouverte de lierre, il partait chaque matin pour demander l’aumône. On raconte que les oiseaux se perchaient sur sa tête ou sur ses bras pendant qu’il calligraphiait ses poèmes. Il était devenu « arbre sec et cendre morte ». C’est à lui que l’on doit ce merveilleux petit poème, écrit à la suite d’un vol dont il fut victime : « [L]e voleur parti n’a oublié qu’une chose la lune à la fenêtre ».
C’est le ton de la plupart des poèmes que contient ce recueil.