Dans ce recueil qui s’offre comme le journal sans date d’un poète, le narrateur, de son studio rue Daubenton à Paris, se laisse porter par ses souvenirs et par ses observations du moment. « Un espace fermé que j’habite pendant quelques semaines. Chambre écho pour la mémoire. » Par bribes d’idées discontinues reproduisant le flot de la pensée, « [l]e monde est nommé par le poème ». Le monde est aussi interrogé, cela dans le rapport qui existe entre les mots et les choses. Le narrateur joue au jeu des connotations qu’offrent les sonorités de la langue et des divagations auxquelles elles peuvent mener : « Daubenton. Je m’exerce à la rêverie musicale du toponyme ». Pour le poète, l’écriture transforme le réel et transfigure les lieux, les expériences et les voyages.
Également, Rue Daubenton témoigne d’un exercice de mémoire. La poésie, le plaisir des mots, conduit alors sur un terrain où l’évocation d’épisodes venant des premières années de la vie contribue à enrichir le présent : « […] j’aime que l’invention de ces tenaces souvenirs d’enfance fasse partie de ma vérité d’homme ». Par l’écriture, par les germes narratifs qui se succèdent, sont aussi déterrés des épisodes plus funestes : la mort de deux frères, d’une mère et d’un père. D’ailleurs, il existe un lien étroit entre cette thématique de la réminiscence des défunts et la forme morcelée du texte. Selon le narrateur, « la mort ne pouvait se penser et s’écrire que sous le mode du fragmentaire ». Le recueil se termine par une suite de huit lamentations, ce qui ajoute un ton mélancolique et même douloureux à l’ensemble.
En somme, au cours de cette promenade intérieure où des éléments du passé et du présent se conjuguent et se répondent, le lecteur est convié à partager les méditations, les errances et parfois même le spleen du poète.
Paul Chanel Malenfant est écrivain, mais aussi professeur de littérature à l’Université du Québec à Rimouski.