À défaut d’entrer à la Pléiade, l’écrivain et homme politique français Maurice Barrès (1862-1923) a droit à deux gros volumes de la collection « Bouquins », dont cette première livraison couvrant les années 1888 à 1902. Le livre est préfacé par l’écrivain et journaliste Éric Roussel et annoté par Vital Rambaud, maître de conférences à la Sorbonne. Les lecteurs qui s’étaient procuré l’édition de 1994 seront déçus de constater que rien n’a changé, hormis l’illustration de couverture.
Il y a belle lurette que Barrès, pourtant si influent au tournant du xxe siècle, a vu son œuvre reléguée aux oubliettes. Les dadaïstes lui ont intenté un procès symbolique pour « crime contre l’intelligence » et deux ans après sa mort, Montherlant utilisait une formule qui ferait date : « Barrès s’éloigne ». Le dandy couronné « prince de la jeunesse » quittait son piédestal. L’histoire tranchait, elle qui ne tint pas rigueur à Valéry de son antidreyfusisme. Barrès, figé dans son nationalisme cocardier, devenait infréquentable. Ce premier tome de Romans et voyages est le meilleur moyen de soustraire l’auteur de son purgatoire et de redécouvrir un des grands prosateurs du décadentisme.
Le volume s’ouvre sur un classique décadent : la trilogie Le culte du Moi (1888-1891) dans laquelle Barrès décrit les efforts d’un jeune égotiste (terme emprunté à Stendhal) pour embrasser la totalité de son être et se prémunir du contact avec les « Barbares » (les autres). L’anthologie comprend aussi l’étonnant récit L’ennemi des lois (1893), dans lequel Barrès exprime des sympathies anarchistes. Le « Voyage idéologique aux châteaux de Louis II » (le fantasque roi de Bavière) compte parmi les plus belles pages écrites par Barrès. Le livre se clôt avec une autre trilogie : Le roman de l’énergie nationale, dont on retiendra surtout le premier volet, Les déracinés (1897), récit où sept jeunes provinciaux installés à Paris découvrent, tels de nouveaux Rastignac, l’inégalité de leurs chances pour se bâtir un destin loin de leur Lorraine natale.
C’est surtout le Barrès romancier que ce volume met à l’honneur. Du Barrès voyageur on lira Du sang, de la volupté et de la mort (1894). Ce récit de séjours effectués en Espagne, en Italie et « dans le Nord » est empreint d’un lyrisme annonçant le Camus des Noces.
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