Né en 1960 en Angleterre d’une mère irlandaise et d’un père écossais, Ian McDonald vit aujourd’hui en Irlande et est l’auteur d’une œuvre à tout le moins prolifique maintes fois encensée par la critique et récompensée par de nombreux prix. Roi du matin, reine du jour, d’abord paru en 1991, a obtenu le prix Memorial Philip K. Dick en 1992.
D’emblée ce roman, vaste et généreux dans son déploiement tous azimuts, est impossible à résumer sinon qu’en versant à notre tour dans l’hyperbole. Je m’en tiendrai donc à un seul qualificatif : étonnant, pour le moins (peut-être s’agit-il, tout compte fait, d’un synonyme d’irlandais). En ce sens, l’épilogue est des plus révéleurs : « Dans la Fantasy toutes les histoires doivent s’étaler sur trois volumes et contenir au moins une référence à la Chasse sauvage » (David Langford). Le lecteur de Roi du matin, reine du jour ne sera pas déçu.
Le roman n’est pas sans rappeler l’univers de Lewis Carroll, plus particulièrement le roman Sylvie et Bruno qui met en scène de jeunes enfants dont l’innocence de l’âge et la pureté leur permettent de sentir la présence d’êtres surnaturels évoluant dans des univers parallèles, conférant au roman une couleur fantastique certaine. L’humour et la dérision ajoutent ici une teinte verdoyante sans laquelle le lecteur risquerait, peut-être, de s’essouffler devant ce qui peut, par moments, ressembler à des prouesses narratives.
Malgré ce qui vient d’être dit, un aperçu de la première partie du roman illustrera le projet. Un astronome réputé croit avoir découvert un vaisseau spatial empruntant les formes d’une comète et il met tout en œuvre, voire il sacrifiera tout, vie professionnelle, famille et réputation, pour communiquer avec ces êtres venus d’ailleurs. Son énergie, son temps, sa fortune entière seront consacrés au projet insensé de jeter un pont entre deux univers alors que sa propre fille, qui vient d’atteindre l’âge de la puberté, entretient des relations avec le monde des fées qui ne s’avéreront pas que pures et chastes.
Cette première partie, dont le ton et le style évoquent par moments la littérature anglo-saxonne du XIXe siècle, se présente en une succession d’extraits de journaux des principaux protagonistes, dont la mère de la jeune Emily, poétesse célèbre et spécialiste de la société celtique qui fait écho aux revendications sociopolitiques et littéraires irlandaises. Dans la seconde partie du roman, dont certains personnages rappellent l’univers de Beckett, l’ombre de l’IRA est omniprésente sous un jour plus romantique que politique.
La vastitude du projet n’est pas sans susciter quelque admiration et l’on comprend, sans nécessairement partager tout ce que l’auteur nous propose, qu’un tel livre puisse revendiquer le statut d’exploit.