Alice Awashish-Lamontagne, l’héroïne du roman, pense aller au dépotoir se débarrasser de l’urne mortuaire de son père, le Cri Isaac Awashish, mort récemment d’une cirrhose du foie sur un banc de parc de Montréal. À 25 ans, elle a coupé depuis longtemps les ponts avec ce géniteur itinérant et alcoolique qui l’a autrefois abandonnée avec sa mère.Puis, sur les conseils de Marie, sa meilleure amie, elle se ravise et décide de faire douze heures de train, aller-retour, jusqu’à son village natal de Mékiskan, pour disposer de l’urne. Elle en reviendra transformée.Alice est d’abord en effet peu encline à se rendre dans ce coin « perdu et oublié, effacé de la carte » que l’éditeur situe avec raison en Abitibi (où d’ailleurs a vécu l’auteure). Dans le rang de la rivière Mékiskan, elle parvient à la fruste cabane de la vieille et courageuse Lucy, la cousine de sa grand-mère crie Agnès. Elle découvre alors petit à petit les lieux et les gens de ce « trou » reculé où règnent la violence, l’alcool, le suicide, l’incertitude du destin des jeunes, les tensions entre Blancs et Autochtones… et les mouches noires ! Mais on trouve aussi, chez plusieurs, la fraternité, l’entraide, le dévouement, le respect des traditions ancestrales cries. Et Alice n’est pas insensible à la beauté de la nature malgré les coupes à blanc de la compagnie forestière qui ont ravagé le territoire il y a dix ans. À l’invitation de son hôte, elle accepte de prolonger d’une semaine son séjour à Mékiskan ; car Lucy organise les funérailles de son vieil ami Isaac, en présence des familles Awashish. Après la mise en terre des cendres et le « musk’shan », c’est-à-dire le festin d’adieu traditionnel composé de mets cris, Alice reprend le train pour Montréal, où elle est coiffeuse, non sans sourire à l’idée de revenir un jour à Mékiskan, d’autant qu’elle a fait connaissance, et l’amour, avec le beau Jimmy, son lointain cousin.Tel est le parcours que suit le narrateur en donnant force détails de tous ordres, dans des phrases simples et plutôt courtes, notamment quand sont soulignées la colère et l’angoisse quasi constantes d’Alice, du moins jusqu’à ce qu’elle s’acclimate à la situation qui est la sienne à Mékiskan. Le texte fait le plus souvent état des souvenirs des uns et des autres, rendant ainsi compte des modes de penser, des croyances, des rituels et des coutumes des habitants du village. Plusieurs dialogues en langue crie, traduits en notes infrapaginales, s’insèrent tout naturellement dans le récit.Premier roman de Lucie Lachapelle, Rivière Mékiskan a obtenu le Prix littéraire France-Québec en 2011. La réédition de cette œuvre brève, qui évite tout accent moralisateur, aura-t-elle quelque écho en ces années où les revendications autochtones se font de plus en plus pressantes ?
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