Le titre, attractif avec son oxymore, est un vers tiré d’un poème d’Alysée Lavallée-Imhof paru dans la revue Cavale de l’Université de Sherbrooke. Alors que dans le poème, le silence évoque la mort, dans ce roman, il s’agit de mutisme, le mutisme de Cassandra.
La jeune femme est une habituée du Musée des beaux-arts de Montréal, qu’elle fréquente tous les samedis. Antoine, publicitaire, y vient lui aussi, pour chercher l’inspiration, lui dira-t-il. Il a souvent croisé Cassandra, mais cette fois il l’aborde. Intrigué par le silence de celle dont il n’apprendra le nom que beaucoup plus tard en ramassant sa carte d’accès au musée, il poursuit sa tentative d’entrer en communication avec elle.
Et là se déploie l’originalité du premier roman de Valérie Garrel, issue du monde des affaires comme formatrice et conférencière. Elle-même visiteuse assidue du Musée, elle intègre les photos de tableaux qui deviennent des ressources sensibles, des éléments déclencheurs de récits enchâssés qu’invente Antoine, pour Cassandra, silencieuse et un peu méfiante, mais tout oreilles. Des sept tableaux choisis surgissent des personnages féminins qu’il prénomme Asmaa, Henriette, Ruth, etc., pour qui il imagine une vie faite d’attente, de déception, d’abandon et de deuil. D’un samedi à l’autre, les récits d’Antoine nous transportent dans l’espace et dans le temps. Mais ces histoires représentent bien plus que le dépaysement pour Cassandra, chacune reflétant comme un miroir ses propres blessures. Étonnamment, petit à petit, elle y puise la matière pour reconstruire sa vie.
Par la succession de récits, Rien que le bruit assourdissant du silence fait penser aux contes Les mille et une nuits, bien qu’une semaine s’écoule entre chacun, le temps pour Cassandra de compléter les narrations qu’Antoine laisse parfois en suspens. Le temps d’inventer une fin heureuse. « Parce qu’on ne peut pas vraiment imaginer l’avenir aussi noir que le présent. » Ce n’est qu’au dernier tableau, celui de Herri met de Bles intitulé La destruction de Sodome et Gomorrhe, qu’Antoine met le doigt sur l’origine du drame de Cassandra, alors que bouleversée, elle quitte la première, contrairement à son habitude. Quant à sa motivation, Antoine s’en explique, à la toute fin du roman, lors d’une rencontre fortuite dans un salon de thé.
Outre du pouvoir bienfaisant des arts sur la psyché humaine, ce roman témoigne de celui des contraintes qui s’avèrent stimulantes pour l’imagination, dont celle d’écrire un roman à deux personnages alors qu’un seul parle. Dont celle aussi d’inventer des histoires à partir d’un support comme l’ont fait les Robert Lepage et Jacques Lessard à l’époque du défunt Théâtre Repère. Valérie Garrel, une nouvelle romancière à suivre.