Bouquin magnifique d’une pénétrante lucidité. À partir du rire, du sourire et du rictus, c’est à une immense aventure littéraire, sociale et politique que convie Rictus romantiques. Quand naît Victor Hugo (« ce siècle avait deux ans »), les modèles littéraires français doivent beaucoup au gothique anglais ou scandinave. Seuls peuvent rire vraiment les êtres mauvais. Le sourire n’a pas sa place. Le rictus figé apparente les tortionnaires à leurs victimes. Pendant un temps, les œuvres de Victor Hugo rappelleront celles d’un Charles Dickens. En débordant du cadre gothique, l’écrivain français comprendra peu à peu, surtout à compter du milieu de son siècle, que tout n’est pas menaçant dans les comportements populaires et que tous les rires ne révèlent pas la méchanceté. Le peuple, qu’il distingue enfin de la foule et de la populace, peut souffrir ou rire. Le rire cesse ainsi d’être pervers. Le peuple mérite alors tant de considération que c’est sur lui que le Hugo de l’âge mûr et de la vieillesse fondera ses convictions politiques.
Fidèle aux textes et à l’histoire, Maxime Prévost raconte ainsi le cheminement d’un immense littérateur et l’évolution d’une société. Victor Hugo se décrispe, il rigole et jette partout ses calembours, il s’associe à ceux qu’on lui avait appris à redouter. Mieux encore, il porte leur cause sur ses épaules. « Cela est nouveau chez Hugo, écrit Maxime Prévost. Tout se passe maintenant comme si la perversité du forçat n’était que la conséquence logique du système carcéral. Aux côtés des êtres essentiellement pervers, il existe donc de faux pervers qui sont les victimes sociales. » Analyse approfondie et éclairante.