En Amérique du Nord britannique, les femmesdu Bas-Canada (Québec) ont pu voter dès la fin du XVIIIesiècle. Elles ont perdu leur droit au suffragecinquante ans plus tard, à la suite des rébellions de 1837-1838 et de l’avènement du Canada-Uni en 1841. Ellesdevront patienterun long siècle avant de le retrouver. Pourquoi ?
L’affranchissement politique des Québécoisesa étépénible. Dès les années 1840, la voix influente de l’Église catholique– appuyée par les défenseurs de la tradition–a exprimé avec force sonhostilité envers le droit des femmes au vote. La femme au foyer demeurait pour eux la seulegardienne de la race et de la religion et n’avait pas sa place dans les débats publics. Papineau n’a-t-il pas dit : « Quand [sic] à l’usage de faire voter les femmes, il est juste de le détruire. Il est ridicule » ?Elles attendront 1918 pour acquérirce droit au Canada et 1940 pour se faire entendre au Québec, grâce au premier ministre libéral Adélard Godbout.
Dans Repenser la nation. L’histoire du suffrage féminin au Québec, l’historienne féministe Denyse Baillargeon raconte les mille péripéties de cette conquête,dont ellerevisite les étapes-clés. Le droit des femmes au vote aurait toujours dû être considéré comme allant de soi, car il n’y a jamais eu de raisonlogique pour qu’elles ne soient pas considéréescomme égales aux hommes. Et pourtant.
Lors de l’arrivée des Blancs dans la vallée du Saint-Laurent, il eût été sage de prendre comme modèles les peuples autochtones qui, eux, avaient déjà des « organisations politiques où les femmes exerçaient un rôle plus ou moins important selon le cas ». Il faudra attendre le XXesiècle pour que les grandes militantes féministesIdola Saint-Jean (1879-1945), Marie LacosteGérin-Lajoie (1867-1945) et Thérèse ForgetCasgrain (1896-1981)fassent trembler le socle des institutions rétrogrades. S’ajoutera bientôt la voix de Marie-Claire Kirkland (1924-2016), première femme élue au Parlement du Québec.Depuis, si les femmes sont de plus en plus présentes en politique active, la partie n’est toujours pas gagnée.
La professeure Denyse Baillargeon,retraitée du Département d’histoire de l’Université de Montréal,a écrit entre autres Un Québec en mal d’enfants et Ménagères au temps de la Crise.Grâce à son écriture dynamique, elle rend fascinante l’histoire suffrage féminin au Québec. L’auteure ne néglige pas pour autant les hommes politiques qui appuyèrent la cause, dont Paul Gérin-Lajoie qui déclara,après que les femmes eurent votépour la première fois : « [L]a glace est rompue, je crois que nous ne rétrograderons pas! » Soyons cependant attentifs, car touteavancée démocratique peut hélasêtre un jour menacée. Dans le monde, bien des femmes l’ont un jour constaté.