Avec Franz Kafka, Bohumil Hrabal est sans aucun doute l’un des auteurs tchèques les plus talentueux du XXe siècle. Il est un fabuleux conteur d’histoires doté d’une liberté, d’un humour et d’une révolte sans pareils. La lecture de Trains étroitement surveillés – adapté au cinéma en 1966 par Jiří Menzel – ou d’Une trop bruyante solitude, ses romans les plus connus, est une expérience inoubliable, inusitée : rien, en littérature, ne ressemble à du Hrabal. Peut-être, à la limite, certains livres de Boulgakov. Leur commun amour pour les situations absurdes et un hyperréalisme frisant la fantaisie les rapprochent, mais du bout des doigts, si l’on peut dire. Hrabal a quelque chose de plus actuel : la langue est comme un morceau de chair dans laquelle il mord allégrement, à la manière d’un gros chien enragé.
Ceux et celles qui ont aussi lu Les palabreurs, Les millions d’Arlequin, Cours de danse pour adultes et élèves avancés, et d’autres livres plus truculents les uns que les autres, se régaleront des premiers récits de l’auteur réédités en un seul volume chez Robert Laffont. L’édition originale était devenue quasi introuvable. Ce bouquin en format de poche réunit des nouvelles écrites entre 1945 et 1964, certaines donc avant la censure du régime communiste avec laquelle l’auteur dut composer tout le reste de sa vie. L’écriture a la démesure de la jeunesse, une jeunesse qui n’a pas à ruser pour faire valoir ses idées. Le sordide et l’immoral y côtoient le comique quand, par exemple, un médecin légiste découvre sur le prépuce d’un suicidé le nom de la gare où il avait « servi avec tant de plaisir » ; ou, comme dans la nouvelle « Baptême », un prêtre cherche à écraser des animaux le soir sur une route de campagne (sa petite manie, personne n’est parfait). Jamais de drame donc, toujours cette tragédie existentielle voilée par l’absurdité et l’humour. Déjà fin observateur, Hrabal révélait avec peut-être un peu plus de poésie – et l’on sait comment elle peut porter à interprétation… – des scènes de vie éminemment singulières, mais très ancrées dans le réel, voire dans la réalité ouvrière. On reconnaît ce souci du détail qui rend toutes situations, même les plus impossibles, crédibles parce que vivantes.
Cette imagination débridée saura donc plaire au lecteur pour qui la littérature est plus qu’un délassement, mais un délassement de tout de même.
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