Dans l’opuscule Qu’est-ce qu’un classique québécois ?, version revue d’une conférence prononcée en mai 2004, le poète, chercheur et essayiste Robert Melançon montre – citations à l’appui – que la notion de classique est relative et flottante. Par exemple, si pour Aulu-Gelle les classiques sont par définition anciens, pour Goethe, tout ce qui est excellent devient automatiquement classique. Or, ces propositions sont imparfaites. Une définition exhaustive doit prendre en compte le critère temporel, comme le rappelle Robert Melançon, « le concept de classique exige une distance que seul le passage du temps peut assurer ». Selon lui, Sainte-Beuve proposerait la définition la plus riche et la plus ouverte : « L’idée de classique implique en soi quelque chose qui a suite et consistance, qui fait ensemble et tradition, qui se compose, se transmet et qui dure ».
De l’avis de Robert Melançon, plusieurs pièges guettent les chercheurs tentés par des catégorisations trop rapides. Selon lui, il est nécessaire de situer les classiques québécois par rapport aux classiques français, par exemple, non pas pour instaurer une échelle de valeur, mais plutôt parce qu’il « n’y a de classiques véritables que dans une perspective d’universalité ». Aussi, à la suite d’Italo Calvino, Robert Melançon rappelle que la notion de lecture est déterminante : les classiques sont des livres qu’on lit et, par le fait même, « ne s’adressent pas aux seuls spécialistes mais au premier venu ». Pour assurer une transmission adéquate du patrimoine littéraire québécois, les éditeurs devraient donc publier des éditions savantes s’adressant à tous les lecteurs, incluant ceux qui lisent par curiosité ou pour se divertir. L’élaboration des appareils critiques aurait avantage à être dictée par la retenue et la modestie, selon l’auteur, qui demeure convaincu de la nécessité des classiques : non pas pour susciter la fierté ou le patriotisme, mais parce que les textes fondateurs permettent au lecteur de se mettre à l’épreuve et de grandir.