Ayant vécu auprès d’arabophones toute sa jeunesse dans une France peuplée de millions de Maghrébins d’origine, Gaël se rend au Maroc lorsqu’il apprend qu’un ami le demande à ses côtés. Ne voulant pas revivre le grand regret d’avoir abandonné son ex-amie Farida, qui s’était suicidée après qu’il lui eut refusé une faveur (un mariage blanc), notre ami, si fier de manipuler quelques mots d’arabe, se rend prestement chez Mohammed, lui aussi tenté de disparaître.
À travers un voyage dans le royaume chérifien, dans des bleds perdus plongés dans le désespoir d’un avenir sans travail, l’auteur livre un excellent témoignage du drame aigu vécu par la jeunesse du Maghreb, dont le seul exutoire réside dans un violent désir d’exil. « Les rires de ces jeunes hommes masquent mal leur détresse. À vingt-cinq ou vingt-six ans, la plupart des amis de Mohammed n’ont jamais travaillé [ ]. Ils attendent quelque chose qui ne vient pas, un événement qui changerait le cours de leur vie [ ]. Le groupe ne s’anime que si quelqu’un arrive avec une nouvelle extraordinaire : tel homme, de tel village voisin, connu au lycée, a obtenu son visa pour l’Allemagne. Ils écoutent, en silence, les détails de l’histoire. Rêver de prendre la place de celui qui s’apprête à partir, remède à l’angoisse. » Face aux réalités du chômage et de la misère, poursuit l’auteur, les jeunes ne semblent plus avoir le choix qu’entre « le shit, l’islamisme ou le suicide ».
Auteur d’un premier ouvrage publié en 1998, Loïc Barrière fait avec ce roman une entrée remarquée dans le paysage littéraire français, le consacrant comme un écrivain en devenir. Manifestement, son excellente connaissance de l’Afrique du Nord devrait lui inspirer d’autres romans tout aussi justes et révélateurs des difficultés que connaît la population de ces pays.