Le personnage qui donne son titre au roman, Purity Tyler (surnommée Pip), n’est pas le principal ni le plus intéressant. Elle sert plutôt de fil conducteur reliant entre eux des histoires, des époques et des gens très différents. Ce sont ces histoires « parallèles » qui constituent le cœur – et le grand intérêt – de l’ouvrage de Jonathan Franzen.
Étouffée par une grosse dette d’études, coincée dans un boulot qui la déprime, Pip aimerait bien s’en sortir. Mais à qui demander de l’aide ? Ses rapports avec sa mère sont difficiles. Cette dernière, encore plus démunie qu’elle, lui a toujours caché les circonstances de sa naissance, le nom de son père et jusqu’à sa propre identité. À bout de ressources, Pip décide de retrouver son père en espérant qu’il se reconnaisse une dette envers elle. À partir de là, l’intrigue fait de multiples zigzags.
Disons pour aller au plus court que ses recherches l’amèneront à faire la connaissance d’Andreas Wolf, un lanceur d’alerte charismatique, de renommée mondiale, sorte de Julian Assange opérant depuis un QG dans une forêt de Bolivie. Elle s’insérera également dans l’intimité d’un couple de journalistes d’enquête américains, Leila Helou et Tom Aberrant, habitant à Denver. Or c’est l’histoire de ces deux hommes épris de vérité, le lanceur d’alerte et l’incorruptible journaliste, qui constitue la vraie matière de ce roman.
Leurs destins se sont croisés au moment de la chute du mur de Berlin dans des circonstances qui les lieront pour la vie, Tom aidant alors Andreas à se tirer d’un très mauvais pas. Les deux hommes dont on suit longuement la trajectoire ont été profondément marqués par leur relation avec deux femmes particulièrement névrosées. La mère d’Andreas, Katia, est l’épouse sensuelle et volage d’un apparatchik de la RDA dont la famille « a des antécédents de détresse émotionnelle ». Anabel, l’épouse de Tom Aberrant, est une artiste ratée, en rupture avec sa famille, bloquée dans sa quête artistique par la recherche d’une impossible pureté morale. À l’intérieur de ces deux univers gravitent d’autres personnages pas aussi secondaires qu’il n’y paraît au premier coup d’œil : un beau-père qui agresse sexuellement sa belle-fille, un romancier à succès mais incapable d’écrire « le » grand roman américain, un milliardaire réduit à l’impuissance par les exigences de sa fille, une jeune Allemande qui abandonne sa famille pour échapper à un destin de réclusion, etc.
Roman éclaté, roman puzzle, Purity est à la fois la chronique d’une quête de vérité et une critique d’un monde où chacun vit scotché à ses appareils électroniques. Outre une intrigue riche et moins confuse qu’elle en a l’air, ce qui fait l’intérêt du livre de Jonathan Franzen, comme de ses précédents, ce sont les personnages qu’il met en scène. Ici il creuse avec plus de finesse que dans ses autres romans la personnalité de ses personnages, ce qui leur confère une épaisseur et une consistance qui manquaient aux précédents. Avec son époustouflante galerie de portraits, son intrigue forte qui les lie et la hauteur de vue avec laquelle l’auteur aborde son sujet, on peut dire que Purity est une grande réussite littéraire.
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