Rétrospectivement, le bilinguisme canadien aura été une utopie. Et à la suite de plusieurs auteurs de ce dossier, on se demande ce qu’il serait advenu du bilinguisme canadien, n’eût été la disparition prématurée du co-commissaire de la commission Laurendeau-Dunton, André Laurendeau (1912-1968).
À la fois historiques et analytiques, les neuf articles de ce dossier sous la direction de François-Olivier Dorais et son équipe se centrent sur le bilinguisme comme élément mobilisateur visant à donner une échine véritable à un Canada désireux de se définir et de se distinguer à la fois de la lointaine Grande-Bretagne et du (trop proche) voisin étatsunien.
Deux articles se distinguent nettement du lot. On voit avec Roberto Perin comment certaines communautés d’immigrants de l’ancienne URSS ont voulu – et réussi – à saborder les travaux de la commission Laurendeau-Dunton en la détournant de sa fonction première, à savoir favoriser l’épanouissement des francophones au sein de la Confédération. Roberto Perin analyse finement les actions concertées d’un des commissaires de la commission Laurendeau-Dunton qui s’est avéré servir, tel un lobbyiste de l’intérieur, la cause de la communauté ukrainienne établie au Canada. Les mécanismes invoqués annonçaient déjà la Loi sur le multiculturalisme canadien, qui allait niveler les Canadiens français pour les réduire à une communauté culturelle comme les autres dans le panorama canadien. Plus loin, dans « Une utopie à combattre : le bilinguisme chez Donald Creighton et Michel Brunet », Serge Minville montre les résistances au bilinguisme chez des penseurs influents comme l’historien Donald Creighton (1902-1979), pour qui « sacrifier la nature britannique du pays sur l’autel du bilinguisme serait une trahison de première classe du destin national du Canada et livrerait le pays aux mains de l’économie américaine ».
Le bilinguisme canadien est perçu différemment : moyen de reconnaissance et de valorisation pour les francophones, contrainte et gaspillage pour les anglophones. Souvent, on constate que l’opposition au bilinguisme canadien est en réalité un réflexe anti-francophone de la part d’une partie du Canada anglais qui tolère le bilinguisme uniquement dans la mesure où les francophones apprendront l’anglais, et non l’inverse. De nombreuses études universitaires récentes, citées ici, le reconfirment, dont So They Want Us to Learn French (UBC Press, 2016). Le fait qu’aujourd’hui encore les Canadiens soient dirigés par plusieurs ministres incapables de s’exprimer en français demeure une insulte quotidienne pour les francophones.
Par ailleurs, deux dimensions de cette question n’ont pas été abordées dans ce dossier : le néocolonialisme et l’ethnocentrisme du Canada anglais.
Sans que son nom le laisse présupposer, le Bulletin d’histoire politique est devenu depuis plusieurs années la meilleure revue d’études canadiennes dans le monde universitaire, supplantant ses rivales par la qualité de ses analyses et par sa capacité de bien intégrer un point de vue francophone qui manque tant à d’autres revues de ce domaine.
On trouvera en complément deux articles hors thème et huit recensions critiques.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...